Spectacle conçu par Marion Bottolier et Ezéquiel Garcia-Romeu d'après "Les paradis artificiels de Charles Baudelaire, mis en scène par Ezéquiel Garcia-Romeu, avec Redjep Mitrovitsa et Ezéquiel Garcia-Romeu.
"Opium", mot magique évocateur des paradis artificiels recherchés par les romantiques et de l'exotisme des fumeries d'Indochine. L'écrivain britannique Thomas de Quincey a consigné, de façon autobiographique et presque clinique, le parcours addictif d'un fumeur d'opium dans ses "Confessions d’un mangeur d’opium anglais".
C'est leur traduction par Charles Baudelaire, qui figure dans son essai intitulé Les paradis artificiels, qui a inspiré le maître-marionnettiste Ezéquiel Garcia-Romeu et Marion Bottolier pour en sonder leur mystère dans un spectacle bidisciplinaire composé de lecture et de manipulation d'objets.
Le dispositif scénique qu'il a conçu est impressionnant. Plongé dans l'obscurité se révèle peu à peu une stèle monumentale, un catafalque, un autel ténébreux, un tombeau en forme de mégalithe noir. Sa partie supérieur s'élève lentement pour accoucher...d'une souris ? Non d'un parallélépipède dont un petit évidement central servira de pré-carré au marionnettiste alors que les surfaces latérales symboliseront, avec clapotis et fumerolles, les sombres terres des divagations opiacées.
L'art de la marionnette, un art en soi, suffit à Ezéquiel Garcia-Romeu pour transposer ces tentations et tentatives erratiques du mangeur d'opium pour atteindre l'exaltation spirituelle et qui fait de sa raison une épave, les rendre intelligibles et atteindre la sublimation poétique par la voie de l'imaginaire.
Cela étant, il instille dans sa sublime prestation la présence quasiment redondante d'un officiant, en l'occurrence l'acteur Redjep Mitrovitsa qui dispense une lecture "habitée" pour donner une tournure mystérieuse et captivante à un récit factuel qui ressortit davantage à la métaphysique qu'au récital poétique.
En effet, présence fantomatique, regard fiévreux, voix chuintante et ptyalisme, au surplus amplifiés par le micro HF qui, de surcroît laisse tomber le son des cintres avec une légère désynchronisation, entre emphase et homélie, il distille avec force affectations du souffle et fantaisies tant syntaxiques que phonétiques qui paraissent totalement dispensables au regard du verbe baudelairien. |