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Nicolas Bourcier  (Editions Don Quichotte)  septembre 2011

En 2011, 70 ans après l'Holocauste, 65 ans après Nuremberg, un homme était jugé et condamné en Allemagne pour complicité de meurtres en tant qu'il travaillait comme gardien dans le camp d'extermination de Sobibor.

Nicolas Bourcier, historien et journaliste, rapporte la chronologie de ce procès, qui sera sans doute "Le dernier procès" en la matière, et qui clôt une véritable épopée juridique en deux épisodes juridictionnels, l'un en Israël à la fin des années 80 qui s'est soldé par un acquittement, l'autre en Allemagne au 21ème siècle, qui peut se lire, n'étaient l'atrocité des faits qui les ont suscité, comme un roman à suspense que même l'imagination débridée des scénaristes hollywoodiens n'aurait pu envisager.

En effet, ainsi qu'il l'écrit, l'affaire Demjanjuk, qui a commencé en 1976, fut "le théâtre de va-et-vient dramatiques sur les lignes de front de l'histoire" qui se déroulent sur plus de 30 années et qui posent plus d'interrogations qu'ils ne soulèvent de zones d'ombre.

Ainsi la personnalité de l'homme connu sous le nom de John Demjanjuk, qui a opposé un déni absolu des faits qui lui étaient reprochés, reste insaisissable.

Celui que la défense présente comme une victime de l'Histoire, ayant survécu à la famine et aux conditions épouvantables de vie dans les camps de prisonniers allemands, le bouc émissaire de la justice allemande, la victime d'un complot ourdi par les autorités soviétiques visant à discréditer les opposants au régime et un homme simple à la capacité intellectuelle limitée a néanmoins su tirer partie de la désorganisation qui régnait dans l'Allemagne vaincue pour y intégrer un camp de réfugiés qui s'avère, avec le recul, la meilleure cache pour les nazis et leurs collaborateurs étrangers puis émigrer aux Etats-Unis.

Et comme il ne fait pas de doute qu'il fut un "trawniki", terme qui désignaient les gardes ukrainiens des camps d'extermination qui avaient été recrutés parmi les prisonniers de guerre soviétiques, il ne manque pas d'assurance quand arrivant en Israël il demande à embrasser le sol de la Terre Sainte.

La lecture des faits rapportés par Nicolas Bourcier, assortis de commentaires objectifs et parcimonieux, amène à s'interroger sur la raison des réticences de la Russie pour communiquer ses archives, l'obstination des enquêteurs lors de la première instruction en Israël, alors qu'il s'agissait du premier grand procès pour crime contre l'humanité qui s'y déroulait depuis le procès d'Adolf Eichmann, à suivre la piste erronée du camp de Treblinka et l'erreur stratégique du ministère de ne pas se focaliser sur l'identité et le parcours de l'accusé et sur l'incurie des Etats-Unis en matière d'émigration dans l'immédiate après guerre.

Ainsi, John Demjanjuk va bénéficier des dispositions favorables concernant les personnes déplacées et réfugiées alors même qu'elles comportent une clause d'interdiction visant les nazis et leurs collaborateurs, à coup de mensonges grossiers, va berner l'agence de renseignements de l'armée de la plus grande puissance du monde qui était chargée de vérifier les demandes et qui se dédouane en invoquant le nombre de demandes, un personnel non qualifié et la manipulation par les interprètes issus du même cercle que les émigrants.

Mais l'intérêt de la lecture de cette enquête documentaire va au-delà de la chronique judiciaire car elle apporte également des éléments éclairants sur certains points d'histoire et des phénomènes de société en les révélant ou en les confortant.

Ainsi, par exemple, sur l'état et l'ampleur de la dénazification opérée par l'Allemagne elle-même.

La plupart des protagonistes de l'Holocauste non seulement n'ont pas été ni jugés ni inquiétés tout en vivant sur le sol allemand, du fait de l'inertie délibérée de la magistrature allemande en place dans les années 50-60 qui comportait une génération entière de juges qui avaient été impliqués dans le national-socialisme, et ont été même protégés par une loi interdisant l'extradition d'un citoyen allemand pour des exactions commises à l'étranger.

S'agissant des condamnations, la majorité concernait la participation effective aux progroms de la Nuit de cristal en 1938 ; seuls 9% se rapportaient à des crimes commis dans les camps de concentration. L'Allemagne considérait avoir déjà assez payé et qu'il fallait tourner la page en ne poursuivant ceux qui avaient "simplement" obéi aux ordres.

D'autre part, sur la force et le pouvoir de certaines communautés aux Etats-Unis comme ailleurs et pas uniquement de la diaspora juive qui est souvent citée la une.

En l'occurrence, il s'agit de la communauté ukrainienne qui s'est fédérée autour de l'accusé et a levé des fonds importants, de l'ordre de plusieurs millions de dollars, pour assurer la défense d'un homme qui n'était qu'un ouvrier dans l'usine automobile Ford.

Issue de l'importante émigration des années 50, elle est soudée par un nationalisme profond, un antisémitisme atavique et un anticommunisme virulent lié à la famine d'une terrifiante ampleur intervenue après la collectivisation des terres opérée par le régime soviétique en 1930 qu'elle considère comme une extermination délibérée par la faim n'hésitant pas à alimenter l'escalade dans l'horreur ("Notre souffrance a été bien plus grande que celle des chambres à gaz où la mort était relativement brève, contrairement à la faim qui tue lentement, pendant des mois").

C'est elle qui trouvera la communauté ukrainienne qui va trouver et payer les défenseurs de John Demjanjuk pour le premier. Et c'est la communauté ukrainienne en Allemagne qui agit en sous-main pour le second. Car ainsi que le note Nicolas Bourcier, les racines de l'engagement de l'avocat allemand Ulrich Busch, son opiniâtreté et la virulence ne tiennent ni à sa conviction personnelle quant à l’innocence de son client ni au souci éthique de ne pas voir la jurisprudence statuer en faisant une interprétation extensive de la loi, mais tout simplement dans sa vie intime : son beau-père est ukrainien et appartenait à un réseau nationaliste qui fut allié des allemands considérés comme des libérateurs.

Cela étant, bien évidemment, Nicolas Bourcier insiste sur la particularité de cette affaire qui "n'a eu de cesse d'interroger les limites du droit, les pièges de la mémoire, l'imprescriptibilité d'un crime, le sens d'une peine" et sur l'analyse juridique novatrice des juges allemands.

Comme il l'indique dans son épilogue, cette condamnation, qui sanctionne la participation à une entreprise génocidaire sans pouvoir exciper d'une excuse absolutoire tenant à l'exécution d'un ordre de l'autorité supérieure, est "une victoire intellectuelle sur le temps" et "un moment juridique sans précédent".

Un livre a lire absolument et avec, en parralèle, "L'antisémitisme de bureau" de Laurent Joly.

 

MM         
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"La mécanique du coeur" au Théâtre Le Funambule Montmartre
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