Monologue dramatique d’après le livre éponyme d’Aharon Appelfeld, dit par Thierry Bosc dans une mise en scène de Bernard Levy.

Dans le registre du théâtre mémoriel, Jean-Luc Vincent et Bernard Levy ont procédé à une adaptation théâtrale de "Histoire d'une vie", livre autobiographique de Aharon Appelfeld considéré comme un des plus grands écrivains israéliens vivants, auteur d'une abondante oeuvre littéraire autofictionnelle.

Né en 1932 dans une famille juive assimilée vivant en Bucovine, région originelle de la Moldavie, Aharon Appelfeld est un rescapé de la Shoah dont la petite enfance heureuse a été suivie d'une enfance qui n'a été qu'une succession de tragédies.

L'assassinat de la mère lors de l'invasion par les Roumains et les Allemands, le ghetto, le camp de concentration, la séparation d'avec le père, l'évasion suivie de l'errance et du séjour dans un camp pour personnes déplacées avant d'être pris en charge par l'Alyat hanoar, comité créé en 1933 en Allemagne, qui se charge de l'émigration des enfants juifs orphelins en Israël.

Les adaptateurs ont composé une partition qui, si elle évoque certains faits, privilégie la réflexion menée par Aharon Appelfeld sur des thématiques de la mémoire, de l'identité, de la langue et de l'écriture qui seront centrales et récurrentes dans son oeuvre littéraire.

Une oeuvre destinée à élaborer "une légende intime" dès lors qu'il constate ne pas se souvenir de cette période de sa vie qui n'est qu'un long tunnel noir, qui, néanmoins, constitue "la moelle de l'écriture", dont l'issue marque le début d'un drame personnel.

La fin de la guerre ne marque pas sa délivrance car il va subir le déracinement et la perte perte de la langue doublement maternelle, la langue allemande de ses parents juifs assimilés qui ont abandonné le yiddish parlé par leurs parents et n'ont pas adopté le dialecte local, et surtout la langue de sa mère, tendrement aimée, qui parlait un allemand pur.

L'obligation d'apprendre l'hébreu est douloureux - une expérience de "l’anéantissement de la mémoire et de l’aplatissement de l’âme" avant de pouvoir devenir une langue maternelle adoptive tout comme le processus non pas de reconstruction de quelque chose qui n'a pu se réaliser mais de construction d'une nouvelle identité.

La mise en scène d'une partition monologale, notamment quand elle résulte d'un texte qui n'est pas destiné à la transposition scénique, est toujours délicate. Bernard Lévy, qui en assure la mise en scène n'a pas opté pour l'épure dépourvue de scénographie illustrative ou évocatoire.

Il a donc confié la scénographie à Giulio Lichtner qui a créé une pièce dépourvue d'ouverture, en forme de pyramide tronquée de visualisation, conçue pour représenter l'espace mental, la chambre à soi de l'écrivain sur les parois de laquelle sont projetées des images vidéo et diffusée des extraits musicaux, que d'aucuns trouveront dispensables.

Dans l'espace ainsi confiné qui ne permet pas au texte de respirer, la grande silhouette de l'officiant, quand il n'est pas assis, semble contraint. Cela étant, l'officiant c'est le comédien Thierry Bosc qui porte le monologue à bout de voix dans une incarnation sensible de l'auteur.