Pleins feux en ce printemps 2017 sur le peintre Camille Pissarro, outsider souvent éclipsé par les têtes de gondole, avec la rétrospective monographique que lui consacre le Musée Marmottan-Monet dans l'antre du Maître de l'Impressionniste, de vingt ans son cadet, recevant "Le premier des Impressionnistes"

Le commissariat est assuré par deux historiens d'art et spécialistes du peintre, Claire Durand-Ruel Snollaerts et Christophe Duvivier par ailleurs directeur des musées pontosiens Camille Pissarro et Tavet-Delacour, ce dernier présentant l'oeuvre graphique de Pissarro, ont réuni des oeuvres exemplaires.

Ils ont effectué une sélection drastique certes imposée par l'espace monstratoire dédié mais essentiellement guidée par un choix éclairé dans une oeuvre prolifique de plusieurs décennies, plus de 1 500 toiles recensées.

Et ils opèrent de manière synthétique avec soixante pièces majeures, dont des chefs d'oeuvre totalement inédits en France ou absents de la scène muséale depuis près d'un siècle, et un parcours illuminé par les choix chromatiques de Anne Gratadour en charge de la scénographie.

Pissarro, la sensation et le geste

Une vie, une oeuvre, soixante de toiles et huit sections chrono-thématiques permettent une belle synthèse pissarienne qui se décline en trois constats.

Chantre de l'instantanéité et de la peinture sur le motif, héritier des peintres de l’école de Barbizon pour son goût pour les paysages ruraux et les scènes champêtres, Camille Pissarro oeuvre dans un périmètre géographique circonscrit à l'Ile de France (Pontoise-Paris-Louveciennes) et à la Normandie, avec l'escapade vers les ports normands (Rouen-Dieppe-Le Havre), avant de s'installer définitivement à Eragny-sur-Epte, petite bourgade de l'Oise.

Précurseur des Impressionnistes, Pissarro est novateur par sa facture rapide, la seule qui permet de saisir l'éphéméréité du présent, une peinture du geste qui introduit une véritable rupture picturale, la pratique de la touche croisée et l'utilisation exclusive des trois couleurs primaires et leurs dérivés pour capter la sensation.

Impressionniste, il le restera même après la tentation réussie du pointillisme superbement traduite par des toiles telles "La Cueillette des Pommes" et "La Seine à Rouen, l'Ile Lacroix".

Si le paysage rural constitue son registre de prédilection, il sévit avec la même maîtrise, notamment pour les temps de neige et de brouillard, pour le paysage urbain dont les scènes parisiennes et les scènes portuaires qu'il traite en série et toujours, comme à son habitude, d'un point de vue surélevé.

Pissarro se démarque des impressionnistes en ce qu'il ne traite pas du pleinairisme bourgeois. Libertaire et humaniste, il croit en un socialisme utopique dans une variante agreste et va développer les motifs exaltant la vie à la campagne.

Au plan pictural, cela se traduit à la manière d'un zoom, du motif au sujet, du paysage rural avec des silhouettes laborieuses aux scènes de genre ('Le marché de Gisors", "La cueillette des pois").

Puis en s'attachant à la figure plébéienne, en l'espèce essentiellement féminine et souvent au labeur ("Gardeuse de vaches", "La faneuse", "La jeune paysanne au chapeau de paille", "La charcutière") et même une échappée belle animalière ("Vaches s'abreuvant dans l'étang de Montfoucault", "Troupeau de moutons").

Concomitamment, le Musée du Luxembourg présente un focus spatio-temporel avec l'exposition "Pissarro à Eragny - La nature retrouvée".