Avec "Rodin, le rêve japonais", le Musée Rodin s'interroge sur l'éventuelle influence du japonisme sur l'oeuvre de Rodin.
La vague du japonisme en vogue à la fin du 19ème siècle n'atteindra que tardivement les rivages de Rodin et, par un biais inattendu, celui du parallélisme avec l'art classique, qui privilégie l'harmonie et la simplicité de lignes", dont il était fervent admirateur et collectionneur.
Il achète alors estampes, bibelots et objets d'art dont l'exposition présente de belles pièces comme les estampes de Suzuki Kakubonu, Utagawa Toyokuni, Utagawa Kunisada et Hiroshige, les Katagami.
Sont également admirables les pochoirs en en papier de mûrier imprimé de jus de kaki utilisés pour décorer les tissus et un impressionnant brûle parfum à taille humaine représentant Kotuki, le dieu de la longévité.
Cet engouement intellectuel et esthétique trouvera un point d'ancrage avec la rencontre, en 1906, de la danseuse Hanako.
Celle-ci interprète des spectacles mélodramatiques aux noms évocateurs, comme "La vengeance d'une geisha", librement inspirés du kabuki, dont le final était immuablement une scène de hara kiri qui constituait le clou du spectacle et le coup d'éclat de cette dernière. De la fascination éprouvée par Rodin pour ses capacités expressives naîtra une impressionnante série d'études.
L'influence de l'art japonais, dont Rodin disait qu'il arrivait à "élever au sommet de l'invention la plus sublime les choses les plus humbles et les plus vulgaires", sur son oeuvre se manifeste donc de manière subtile et essentiellement conceptuelle.
Rodin, pas davantage que Monet, par exemple, lui aussi grand collectionneur et admirateur des maîtres de l'estampe, ne va travailler "à la japonaise" ni même retenir le motif japonisant comme par exemple Van Gogh avec la toile "Le père Tanguy", qui appartient à la collection Rodin, également exposée.
Le seul empreint technique sera l'utilisation du grès très usitée au Japon qu'il testera notamment pour les têtes de Balzac sur lesquelles se clôt l'exposition.
Pour les oeuvres graphiques, les dessins de nus d'Hanako ne révèlent aucune trace d'esthétisme japonisant. Rodin, maître de la ligne et du mouvement, s'intéresse à la gestuelle propre à la danse japonaise, comme il l'avait été auparavant par celle de la danse kmer.
De même, pour la série d'illustrations réalisées en 1899 pour le "Jardin des supplices" d'Octave Mirbeau dont Rodin dira "C'est de l'art japonais avec des moyens d'Occidental" en qu'elles se réfèrent à l'érotisme violent propre à la culture japonaise.
La lumineuse scénographie de Loretta Gaitis, dans les tons blanc et gris taupe rehaussé de rouge, aménageant de manière judicieuse l'espace d'exposition qui n'est pas aisé avec son long couloir introductif, met particulièrement en valeur la belle série d'études tendant à restituer l'expression d'angoisse à l'approche de la mort certaine qui fascinait Rodin.
Les études, classées en 7 types, déclinent le visage d'Hanako en formats différents, petits formats, bustes grandeur nature et masques selon qu'ils représentent l'angoisse, l'agonie, la méditation souriante ou tout simplement le visage neutre, tel un masque mortuaire, dont l'étonnant masques en pâte de verre.
L'exposition comporte également une section documentaire avec notamment des documents relatifs à l'ébéniste japonais Kichizo Inagaki qui réalisa les socles et encadrements des oeuvres de Rodin et de sa collection et des photos d'atelier d'Edmund Steichen.
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