Texte dramatique adapté du roman éponyme de Claire de Duras,
mise en jeu de Philippe Adrien, avec
Lisette Malidor et Fabrice Dauby.
Deux paravents noirs et un modeste crucifix suffisent pour signifier l’épure d’un lieu monacal. Un médecin confesseur profane de l’homme rend visite à une religieuse à la peau noire en austère robe de bure en fin de vie.
C’est dans la mise en jeu de Philippe Adrien, intelligente et ciselée comme la langue de l’auteur que va se dérouler la confession-rédemption de l’âme douloureuse de Ourika, personnage lumineux qui a sombré dans la neurasthénie héroïne tragique du roman éponyme de Claire de Duras, écrivain précurseur et peu connu du grand public.
Celle-ci y aborde, dès le début du 19ème siècle, avec un étonnant réalisme psychologique et de manière novatrice, les thèmes de l’identité, de l’altérité, de la ségrégation raciale et du statut de la femme à une époque où, même si elle connaissait la vogue de l’orientalisme et de l’exotisme, le métissage, la mixité et l’égalité des sexes n’étaient pas à la mode.
Face à Fabrice Dauby qui est l'oreille libératrice, Lisette Malidor donne voix à une jeune enfant noire, Ourika, sauvée d’une vente aux esclaves par le gouverneur du Sénégal, puis confiée à une famille de l’aristocratie parisienne où elle reçoit affection et éducation, qui, après les insouciantes années de bonheur plonge brutalement, à l’adolescence, dans le désespoir et un abîme de souffrances causés par la révélation du triple handicap de sa condition qui tient à sa féminité, à sa couleur de peau et à son origine plébéienne.
Elle a sombré dans la confusion, écartelée entre une identité originaire perdue et une culture acquise qui ne peut aboutir à l’assimilation mais à la marginalisation ("je n'appartenais plus à personne; j'étais étrangère à la race humaine tout entière sentiment de non-appartenance"), aggravée par le sentiment de réification et le poids du déterminisme social d’une société patriarcale qui la condamne à la solitude ("négresse, dépendante, méprisée, sans fortune, sans appui, sans un être de mon espèce à qui unir mon sort, jusqu'ici un jouet, un amusement pour ma bienfaitrice") et auxquels s’ajoute la tragédie d’un amour impossible envers le fils de sa bienfaitrice.
Bien loin de l’image de meneuse de revue de music hall qui lui reste parfois encore attachée, la sculpturale Lisette Malidor porte cette partition, qui n’est pas exempte de résonances contemporaines, sans verser dans le sentimentalisme, avec beaucoup d’émotion sensible. |