Il était un froid, perdu aux confins des cercles polaires, longitude 60, latitude 43, Mer du Nord, limite Islande et Ecosse, là-haut, avant les glaciers, en brise lame et en ciré… Molécule… Ou la folle expérience de l’électro en haute mer : 60°43’NORD.
L’idée est de Romain Delahaye-Sérafini, elle tient en peu de mots : 34 jours en chalutier industriel (déguisé pour l’occasion en home studio), pas pour un hommage aux radios pirates britanniques, mais pour enregistrer, pour créer la musique entre vents et marées. Pour traduire l’immensité, la nature, l’eau, l’onde, les rugissants, les tempêtes, l’horizon, la solitude… peut-être même le saumon et le cabillaud de Captain Igloo.
Et tout ça en musique. En rythme électro. Dans lequel l’imaginaire vous conduira à décrypter des conversations de sonars entre baleines et narvals enrhumés, ou même des messages morses codés en dzouing clang dinlg. Des frottements, des grincements, des basses angoissantes et des flous légendaires… La musique est à l’image du projet, du personnage : hors normes, sans limite. Tout est permis.
L’artiste a utilisé le chalutier comme un instrument de musique, ses soupirs, ses ruissèlements, ses escaliers en métal et ses écoutilles ouvertes, ce ne sont pas moins de 13 heures d’enregistrement à caler sur une toute petite rondelle. Mais le résultat est sublime : entre mythologie nordique et dance floor bigarré, Molécule est une savante association de sons qui forment des mélopées tantôt entêtantes, angoissantes (mais qu’est-ce qui grince comme ça ? A mon avis, tu as fait le voyage avec un paquet de fantômes non invités), enivrantes, troublantes…
Chaque titre est une découverte. Chaque morceau est un moment dans la vie d’un artiste-chalutier dompteur d’embruns. Et nous ? Simple mortels qui subsistons d’un métier classique et d’une vie somme toute ordinaire ? Osons l’aventure, immergeons-nous dans ces vagues d’onomatopées musicales. Commencez par la nuque, si vous êtes de nature frileux, et hop ! A l’eau !
L’album est accompagné d’un recueil de textes (bilingues grenouille-rosbif), pour nous faire revivre l’aventure et l’au-delà, des vagues impressionnantes, des couchers de soleils émouvants, du calme un peu trop calme… Une croisière en navire usine, sans le vent dans les yeux et le sel qui pique la peau. Il ne manque plus que les odeurs et nous y sommes vraiment.
Une série web, un reportage, une exposition… les ramifications du projet ne manquent pas. Une expérience comme nos quotidiens en manquent certainement. Mais un goût de l’aventure qui pousse à l’écoute de l’album. "Homme libre, toujours tu chériras la mer", Baudelaire.
"La tempête est là. La mer devient piège, d’une effrayante beauté. L’aventure est là. Je laisserai à la houle le soin de me bercer et de faire trembler mes rêves les plus fous, mes rêves d’Atlantique Nord".
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