Formes courtes de Céline Delbecq, Penda Diouf, Emma la clown, Julie Gilbert, Camille Laurens et Sandie Masson interprétées par leurs autrices dans une mise en espace de Catherine Schaub.
Accueillis par le Théâtre Antoine et Stéphanie Bataille, "Les Intrépides" fêtent leurs trois ans. Pour cette nouvelle édition, à l’initiative de la SACD, France, Suisse et Belgique se sont associées dans le combat pour la représentation des femmes dans le spectacle vivant (un combat loin d’être fini malheureusement au vu de l’état de lieux…)
Le principe étant de fédérer des auteures (parfois appelées "autrices" pour faire plus chic) sur un thème commun, six commandes leur ont donc été passées pour cette troisième, sur le thème du courage. Et elles viennent elles-même sur scène pour interpréter leurs histoires, avec l’aide de l’œil complice de Catherine Schaub pour la mise en espace. C’est Julie Gilbert qui ouvre la soirée avec "J’aurais préféré avoir un flingue". Madame sécurité dans une entreprise alimentaire, son personnage est confronté au machisme et à la violence au sein de celle-ci dès lors qu’elle prend conscience et dénonce les irrégularités qu’on veut lui faire couvrir. Son texte, avec un mélange d’humour et de désespoir, décrit la mise à l’écart progressive dont elle va faire l’objet et l’aliénation subie par la machine implacable de la toute puissante entreprise qui finira par la broyer. Puis viendra celle qui, comme un fil rouge dans la soirée fera le lien entre toutes : Emma la Clown. Dans son style habituel entre jeu, dérision et réflexion, Meriem Menant-Emma La Clown interroge sur "Le courage" aujourd’hui. Toujours caustique et pertinente, elle offre avec son humour dévastateur une jubilatoire proposition. Sandie Masson avec "Brisures" présente avec grâce les retrouvailles difficiles d’une femme et de sa mère. La comédienne et auteure essaye dans ce texte de recoller les morceaux d’un lien mère-fille distendu. Evoquant Alzheimer et les blessures du passé, cette confrontation entre drôlerie et émotion nous touche infiniment. Céline Delbecq avec "Phare" propose un petit bijou de texte sur la violence conjugale dans le cadre angoissant d’un phare en pleine tempête. Un texte fort, plein de poésie, à la construction et la musicalité impressionnantes. L’auteure-comédienne à la présence dramatique indiscutable délivre avec maestria cette parole intime et glaçante. Un grand moment. Penda Diouf montre, quant à elle des yeux pleins d’innocence et un texte "Pistes" qui l’est tout autant. Avec une sincérité évidente, elle convie le spectateur à un périple en Namibie sur les pas du coureur Frankie Fredericks. Un pays où, seule touriste noire, elle devra faire face aux regards et découvrira un passé à l’horreur méconnue. Camille Laurens, enfin, avec beaucoup d’humour et d’ironie dans "La scène" décrit la lâcheté ordinaire confrontée à la violence quotidienne. Son texte, qui résume à lui seul tous les autres parle de la place des femmes conditionnées par ce que la société leur renvoie. Une brillante et cinglante démonstration. Cette troisième édition des "Intrépides" a ainsi pu montrer un panorama assez varié des auteures d’aujourd’hui avec des styles et des univers très différents, mais ayant toutes en commun une nécessité de dire et une grande vitalité. Tous ces textes courts mis en scène avec sobriété et une vraie énergie par l’excellente Catherine Schaub nous auront ainsi touché, percuté, bousculé et interrogé tour à tour. Une manifestation donc indiscutablement réussie dont on ne peut que souhaiter qu’elle voyage sur d’autres scènes (on la retrouvera d’ores et déjà le 17 juillet 2017 au Conservatoire d’Avignon et le 17 novembre 2017 à Genève). En attendant la prochaine édition. Vive les femmes et vive l’écriture ! |