Quelques mois après la sortie du superbe Une odyssée, un père, un fils, une épopée, les éditions Flammarion décide de publier une nouvelle édition d’un précédent livre de Daniel Mendelsohn, L’étreinte fugitive.
Ecrit il y a tout juste 20 ans, L’étreinte fugitive est le premier livre de cet auteur, qui s’est fait connaître par son livre Les disparus sur la Shoah, en réalité son troisième livre. Cette chronologie inversée de son œuvre en France a joué en sa faveur. L’auteur le dit lui-même, sa première publication française lui a permis de ratisser un public plus large autour de la Shoah que celui qui aurait pu s’intéresser au sujet déclaré par L’étreinte fugitive, à savoir la volonté de comprendre les origines et la nature de son homosexualité, entretissée au récit de la façon inattendue dont il est devenu père.
Moi-même, je ne connaissais pas ce livre. J’ai adoré et découvert Mendelsohn avec Les disparus et je l’ai retrouvé avec un immense plaisir avec son dernier livre sorti en fin d’année dernière. Je découvre donc avec L’étreinte fugitive le premier volet du formidable triptyque que forment à sa suite Les disparus et L’odyssée. Quel livre et quel auteur !
L’étreinte fugitive est conçu comme les deux livres suivants. C’est un récit de quête. Dans son triptyque, l’auteur se donne pour ambition d’explorer puis d’élucider des mystères sur son passé ou sur sa famille. Dans L’étreinte fugitive, sa quête tourne autour de la nature de la sexualité et de l’identité. Et comme dans ses deux autres livres, l’auteur entreprend de se confronter à des grands textes canoniques pour mieux percer les énigmes embusquées dans son histoire personnelle et familiale.
Une fois encore, et toujours avec le même talent d’écriture qu’on lui connaît, Mendelsohn fait le choix d’entrelacer sa narration personnelle avec le commentaire de textes anciens. On découvre l’histoire d’un adolescent qui découvre en secret sa sexualité et celle d’un homme adulte qui tente de concilier dans une même étreinte désir, famille, enfants, sexe et amour. Ces histoires sont enchâssées dans d’autres, beaucoup plus anciennes, autour de Narcisse, d’Œdipe et de tant d’autres.
Et une fois encore, ce livre est sublime, merveilleusement bien écrit. L’auteur nous fait revivre son enfance autour de sa mère institutrice et de son père mathématicien, de ses frères et sœurs et de son grand-père qui lui racontait des histoires.
On le suit ensuite dans sa jeunesse étudiante, on le voit se découvrir une passion pour les beaux garçons et les langues anciennes. On le voit aussi nous offrir une formidable réflexion sur la paternité, lui qui va élever l’enfant d’une de ses amies célibataires, partageant son temps entre Chelsea, le quartier gay de New-York et le New Jersey où vivent son amie et l’enfant. On le voit mener cette double vie, totalement assumée mais pas toujours facile.
Comme dans Les disparus, le récit réverbère l’écho de textes antiques et renferme un secret de famille dont on obtient la clé que dans les dernières pages. L’étreinte fugitive est enfin un immense livre sur l’identité, comme le dit François Busnel. Une identité construite autour de trois éléments principaux que l’on retrouvera dans son triptyque : son origine juive, son homosexualité et sa passion pour la culture antique. |