C’est vers l’Allemagne que ce sont orientées mes lectures ces dernières semaines. Après la lecture de Hôtel Baden-Baden, me voilà avec le dernier ouvrage de Jessica Shattuck, Château de femmes, publié aux éditions JC Lattès. D’origine allemande, Jessica Shattuck est diplômée d’Harvard et vit dans le Massachusetts. Son livre est le fruit de nombreuses années de recherches. Traduit dans dix pays, ce roman, sur un sujet peu traité, connaît un véritable succès.
L’histoire se passe en Allemagne en 1945. Au milieu des cendres de la défaite de l’Allemagne nazie, Marianne Von Lingelfels revient dans le château des ancêtres de son époux, une forteresse bavaroise désormais à l’abandon. Veuve d’un résistant pendu à la suite de l’assassinat raté d’Hitler, le 20 juillet 1944, Marianne a bien l’intention de tenir la promesse faite aux courageux conspirateurs : retrouver et protéger leurs enfants et leurs femmes, devenues comme elle veuves de résistants.
En réunissant ces êtres brisés, Marianne croit que le chagrin va les souder. Mais elle s’aperçoit rapidement que ce nouveau monde est d’une grande complexité. Marianne, Benita et Ania, dont les choix de vie avant-guerre étaient très différents, doivent faire la paix avec elles-mêmes pour se réinventer et prendre leur destin en main.
C’est donc l’histoire de trois femmes que nous propose l’auteur, trois femmes censées se soutenir et s’aider autour d’un vécu commun en temps de guerre. Chacune d’entre elles a un une histoire personnelle différente, que nous raconte l’auteur pour nous éclairer au final sur une partie de l’histoire de l’Allemagne, concentré autour de trois temps, l’avant-guerre, la guerre puis l’après-guerre.
L’ouvrage nous montre aussi les choix différents pris par les allemands, une fois Hitler arrivé au pouvoir avec d’un côté, ceux qui ont résisté (et dont on ne parle pas beaucoup dans les livres d’histoire) et ceux qui l’ont suivi avec aveuglement. Il nous présente aussi les difficultés pour se reconstruire après ce conflit. Le passé ne s’efface pas facilement et ces veuves ont des choix à effectuer qui ne sont pas toujours évidents. Les trois femmes ne se projettent pas dans l’avenir de la même façon.
Jessica nous offre donc un ouvrage particulièrement intéressant pour comprendre l’évolution de la société allemande au cours de cette période trouble. Elle rend en même temps un hommage sincère aux résistants allemands, plus nombreux qu’on ne le pense, des êtres courageux qui ont compris très vite le danger que représentait Hitler dès son arrivée au pouvoir.
En même temps, elle nous parle aussi des autres, de ceux qui ont suivi Hitler comme des moutons, endoctrinés ou fidèles de la première heure, qui ont pris conscience de leur attitude après la guerre, autour du lourd poids de la culpabilité.
C’est donc un superbe portrait de femmes que nous propose l’auteur, autour d’une fiction basée sur une histoire passionnante, un superbe roman, poignant et instructif, servi par une écriture délicate. |