Vaitiere Rojas Manrique
(Editions Rivages) mars 2021
Destination la Colombie avec les éditions Rivages qui nous permettent de lire une nouvelle auteure vénézuélienne qui nous propose son premier roman au titre plutôt énigmatique, Tu parles comme la nuit.
En un peu moins de 170 pages, lu quasiment d’une traite, l’auteure nous fait voyager dans des territoires géographiques et intimes de façon admirable autour d’une femme, une jeune vénézuélienne qui, comme plusieurs millions de ses compatriotes décide de fuir son pays en ruine pour tenter de s’ancrer dans une nouvelle vie, dans le pays voisin, la Colombie et sa capitale tentaculaire, Bogota, entourée de banlieues défavorisées.
Déambulant sur les crêtes de la folie, face au dénuement et à l’exclusion, c’est dans la littérature qu’elle trouve sa terre d’asile. A travers une correspondance adressé à k, l’imaginaire compagnon d’infortune, cette étrange étrangère tente de transcender les incertitudes d’une vie sur le fil. Elle y parvient avec un humour et une grâce inattendue, une légèreté face au vertige.
Après une citation tirée d’un ouvrage de Marguerite Yourcenar nous rappelant les affres de la solitude, l’un des thèmes importants de l’ouvrage, le livre s’ouvre sur une lettre adressée à un certain Franz (une référence à Kafka évidemment), un début de correspondance sans véritable retour dans lequel le personnage principal nous livre son histoire.
Ces lettres, plutôt bouleversantes, sont les témoins de sa vie chaotique, des cauchemars qu’elle subit. Ils sont l’histoire du sort d’une migrante, de celle qui a tout perdu et tout laissé dans son pays d’origine, l’histoire d’une femme fragilisée, d’une mère emportée par la tristesse et délaissée par son mari qui n’arrive pas à s’intéresser aux autres, à ceux qui l’entourent et qu’elle rencontre.
Evidemment, ce qui la tient à la vie, qui lui permet de subir et d’accepter son triste sort, c’est sa fille surnommée Ale. Et puis il y a la littérature, sa passion pour les beaux textes et les grands écrivains, les livres qu’elle adore mais auquel elle ne peut accéder, la bibliothèque de la ville lui étant interdite à cause de son manque de titre de séjour.
Original, notamment au travers de la correspondance à sens unique, l’ouvrage de Vaitiere Rojas Manrique dévoile une auteure pleine de talent qui témoigne des difficultés rencontrées par son pays natal et ses répercussions sur sa propre vie. Il nous montre enfin la puissance de la littérature pour sonder les âmes et les réconforter, dans les moments les plus difficiles et cruels.
Jean-Louis Zuccolini
# 21 avril 2024 : Des beaux disques, des beaux spectacles, une belle semaine
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