Tragédie historique d'après l'oeuvre éponyme de William Shakespeare, mise en scène de Célie Pauthe, avec Guillaume Costanza, Maud Gripon, Dea Liane, Régis Lux, Glenn Marausse, Eugène Marcuse, Mounir Margoum, Mahshad Mokhberi, Mélodie Richard, Adrien Serre, Lounès Tazaïrt, Assane Timbo, Bénédicte Villain et Lalou Wysocka.
La metteuse en scène Célie Pauthe propose sa version de la tragédie "Antoine et Cléopâtre" de William Shakespeare, qu'elle aborde, indique-t-elle, comme "un chant du cygne, un crépuscule des dieux", relatant le destin fatal du couple-titre sur fond du chaos politique antique menant à l’avènement de l’Empire romain et à l'annexion de l'Egypte.
Cet opus est considéré comme l'échec du rêve des deux amants, celui d'une fusion, et à leur image passionnelle, de l'Orient de l'Occident qui n'était pas en résonance avec l'air de leur temps.
Or, sous une apparente divergence, se révèle une tendance identique, et préfigurant celles contemporaines de la mondialisation et du multiculturalisme, mais menée de manière différente par l'expansionnisme mondial du projet romain.
Célie Pauthe (dé)place l'opus dans le genre de l'anachronisme tous azimuts à commencer par la traduction échevelée d'Irène Bonnaud qui, mêlant poétique du 16ème siècle et langue vulgaire du 21ème,dynamite le texte original souvent jusqu'à la bouffonnerie, dans laquelle elle insère notamment des titres de l'âge d'or de la chanson arabe immortalisés par des figures mythiques telles Asmahan et Mohamed Abdel Wahab.
Il en résulte une fresque "Amour, gloire et mort" de format (très) long excédant trois heures dans laquelle les deux univers sont dessinés sur scène par la scénographie de Guillaume Delaveau utilisant la polysémie chromatique du bleu et la binarité primaire avec le buste de César vs une sculpture de l'ibis totémique.
Et surtout les costumes de Anaïs Romand ressortant au péplum orientaliste pour le royaume égyptien figé dans l'immobilisme du déclin et soumis aux fantasmes et caprices de sa reine et le vestiaire macronien pour les technocrates romains.
Face à ces derniers bien campés par Guillaume Costanza et Régis Lux et menés par l'ambitieux et fin stratège Octave excellemment incarné par Eugène Marcuse, Cléopatre et Antoine joue les amants terribles grâce à deux interprètes émérites.
En outre, Mounir Margoum et Mélodie Richard apportent jeunesse et séduction au héros surnommé "le vieux serpent du Nil" dévirilisé sous influence féminine et à la royale quadragénaire minaudant comme une adolescente.
Dans son aréopage rapproché composé de la nourrice (Mahshad Mokhberi), la suivante-chanteuse (Dea Liane), le mignon messager (Adrien Serre) et l’eunuque musicien à l'allure queer (Bénédicte Villain), Mélodie Richard réalise, entre hystérie, narcissisme et fureur, une époustouflante composition. |