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Théâtre de l'Est Parisien,  (Paris)  mars 2011

Textes de Rodrigo Garcia, mise en scène de Arnaud Troalic, avec Julien Flament et Arnaud Troalic.

Contrairement à ce que pourrait laisser présager le titre de ce spectacle, "Borges vs Goya", il ne s’agit pas d’un combat de boxe posthume entre l’écrivain et le peintre.

Encore moins d’une pièce comparative sur la vie et l’œuvre des deux artistes hispanophones, qui n’ont finalement pas grand-chose en commun, si ce n’est : qu’ils souffraient d’une infirmité (Borges était aveugle et Goya sourd), étaient de langue et de culture hispanique et sont aujourd’hui tout deux les figures servant de point de départ à deux textes de Rodrigo Garcia.

Pour mieux appréhender ce spectacle, il est préférable de connaître un minimum le personnage de Rodrigo Garcia ainsi que son œuvre. Cet auteur argentin, ayant fui son pays pour Madrid à 22 ans à peine, n’a depuis de cesse de dénoncer les travers de notre "eldorado" occidental qu’il juge aussi liberticide que la dictature militaire à laquelle il a échappée.

Son théâtre provocateur se veut l’électrochoc salvateur de notre société de consommation décérébrée. Il mêle souvent dans ses spectacles textes, installations vidéo et performances physiques tendancieuses, de manière volontairement subversive et politiquement incorrecte, dans le but assumé de choquer le spectateur et de lui renvoyer une image au vitriol de lui-même, en le désignant complice d’une société qu’il critique.

La Compagnie Akté choisit donc de mettre en scène ces deux récits avec le double enjeu de ne pas étouffer l’un ou l’autre des textes et de rendre l’esprit particulier des spectacles de Rodrigo Garcia tout en se détachant de l’auteur contemporain qui a déjà mis en scène ces deux œuvres. Si au départ le choix des textes et leur mise en parallèle peut paraitre douteux, la juxtaposition, et très vite l’interaction entre les deux œuvre prend tout son sens.

Dans "Borges", un jeune argentin (qui rappelle le parcours de l’auteur lui-même) revient sur ses 17 ans et sa rencontre pleine d’émoi et d’admiration avec l’écrivain aveugle dans un café, avant de nous conter son revirement d’opinion lorsqu’il découvre que son idole ne s’est servi ni de son talent ni de sa position contre l’inacceptable. Il décide alors de partir pour Genève afin de détruire la tombe de l’auteur "qui ne s’est mouillé pour personne".

Dans "Goya", Rodrigo Garcia met en scène un looser insomniaque qui "préfère que ce soit Goya qui l’empêche de fermer l’œil plutôt que n’importe quel enfoiré". Avec ses 50 ans et ses 5000 euros d’économies de toute une vie en banque, il décide d’offrir à ses gamins, qui voudraient plutôt aller à Disneyland, un road trip insensé à base d’alcool, de coke et de croquettes au jambon, en compagnie d’un taxi récalcitrant et d’un philosophe allemand embauché pour l’occasion, et dont la finalité est d’aller casser un carreau pour s’introduire au musée du Prado afin de contempler comme ça leur chante les œuvres de Goya.

A priori très différents, ces deux textes, délirants voire oniriques par moment, nous posent néanmoins tous deux la question de l’identité et de la place que se crée l’individu dans la société. Comment s’émanciper de l’héritage social et culturel, du modèle imposé ? Que transmettre à ses enfants ? Comment mettre en œuvre la conquête de ses propres valeurs et l’affirmation de soi?

Pour mettre en relief les aspects communs de ces deux textes tout en conservant l’esprit insufflé par l’écriture de Rodrigo Garcia, il fallait une mise en scène à la fois intelligente et provocante. C’est ce que réussi avec brio Arnaud Troalic, conseillé à la scénographie par Raphaëlle Latini et Pascale Mandonnet.

Les deux histoires cohabitent sur le plateau, intégralement couvert d’une pelouse synthétique et séparé en deux carrés de même taille avec pour fond de scène, pour Borges, une surface de carreau blanc aseptisée, et pour Goya, un mur matelassé. Les deux décors ne sont pas sans évoquer un univers d’hôpital psychiatrique.

Dans un des carrés, celui de Borges, une vieille voiture, sorte d’épave sur 4 roues, dans celui de Goya, un canapé. La symétrie des éléments de décor renforce l’idée de juxtaposition des histoires qui se déroulent bien en parallèle et permet d’échapper à toute lecture réaliste ou biographique, qui tendrait à réduire Borges à un prélude à Goya.

D’ailleurs, si Borges est donné en français avec le surtitrage de quelques phrases jugées clef en espagnol, Goya est lui, intégralement joué en espagnol avec un surtitrage français, surtitrage à chaque fois déclenché par l’appui sur une sorte de détonateur par les comédiens qui insufflent ainsi leur rythme propre à la narration.

Cette narration parallèle permet également de passer d’un discours individualiste à une construction chorale qui vient renforcer l’aspect sociétal et générationnel du propos. Les comédiens finissent d’ailleurs par effacer les frontières entre les deux histoires et par interagir avec le plus grand naturel qu’il soit, preuve que cela fonctionne.

La folie assumée des personnages rend leur propos, parfois proche du délire et souvent chaotique plus acceptable car moins moralisateur. Ils sont comme submergés par l’urgence de la situation, dépassés par un système qu’ils décrient, obligés de hurler pour se faire entendre, provoquer pour exister.

Arnaud Troalic échappe ainsi à la leçon moralisatrice dépressive. Il donne même une dimension poétique au propos de Rodrigo Garcia, renforcé par l’utilisation de vidéos, la cassure des rythmes par d’étranges intermèdes qui semblent être là pour nous choquer d’avantage et la mise en valeur du texte de l’auteur par le surtitrage.

Julien Flament interprète avec énergie et conviction le rôle de l’insomniaque fou, dans un espagnol impeccable. Sa folie contagieuse gagne la salle, tandis qu’Arnaud Troalic qui incarne le personnage de la pièce de Borges en plus de signer la mise en scène nous oppose une interprétation plus introspective, bien que finalisée par un grand exutoire final des deux comédiens extrêmement jouissif.

 

Cécile Beyssac         
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