Réalisé par Christian Schwochow. Allemagne. Drame. 1h42 (Sortie le 5 novembre 2014). Avec Jördis Triebel, Tristan Göbel, Alexander Scheer , Anja Antonowicz et Jacky Ido.
Dans les années 1970, devant un modeste immeuble collectif, une femme et un enfant embrassent un homme qui part. Deux ans après, la femme et l'enfant partent avec un autre homme.
Mais il ne s'agit pas d'un drame familial. L'homme est un passeur qui doit les conduire en RDA, de l'autre côté du mur, pour vivre non pas dans l'attente d'un lendemain qui chante mais dans le présent d'un pays libre et capitaliste.
Le mérite du film "De l'autre côté du mur" réalisé par Christian Schwochow tient à ce qu'il aborde un sujet rarement traité, celui du parcours du combattant que constituait l'émigration pour les Allemands de l'Est avant la chute du Mur de Berlin.
Un parcours qui commence par la déception, sinon le désenchantement, avec le passage obligé par le camp d'accueil d'urgence de Marienfelde à Berlin, devenu depuis un lieu de mémoire de la Guerre Froide et de la division de l'Allemagne, qui s'effectue dans des conditions drastiques d'hébergement qui répliquent la promiscuité et la tension des appartements communautaires des pays socialistes.
Par ailleurs, la durée de séjour dans ce véritable no man's land entre deux pays est d'une durée indéterminée car tributaire de la délivrance d'un titre de séjour qui conditionne l'obttenion d'un logement et d'un travail.
Celle-ci n'est pas automatique mais dépend de l'obtention de multiples autorisations délivrées à la suite d'entretiens "d'évaluation" tant sanitaire que social et professionnel et surtout de visas administratifs. Et ce au pluriel car l'accord du pays d'accueil doit être avalisé par celui des parties prenantes que sont les puissances alliées qui ont contrôlaient Berlin-Ouest.
La situation de Nelly paraît simple puisque, semble-t-il, elle ne quitte pas la RDA pour des motifs politiques ou économiques, même si l'eldorado capitaliste n'st pas indifférent à elle ni à son fils qui exulte de pouvoir collectionner des canettes et manger des "Kinder" mais pour des raisons "totalement personnelles" qu'elle refuse cependant d'expliciter.
Ce qui joue en sa défaveur d'autant que les services de renseignements sont efficaces : elle n'est pas tout à fait une personne ordinaire. Le père de son fils, un scientifique russe qui participait à des congrès internationaux et a subitement disparu, est soupçonné d'être un espion russe.
Femme de caractère et déterminée, Nelly résiste à l'humiliation et à la suspicion qu'induisent les entretiens ressortissant à l'interrogatoire voire au harcèlement qui en découlent mais le doute persiste.
Le spectateur ne saura jamais ce qu'il en est réellement comme il ne saura rien ni des motivations réelles de la jeune femme ni de son histoire, comme pour d'autres personnages secondaires, celui de l'homme mis en quarantaine et végétant depuis deux ans dans le camp parce soupçonné d'avoir travaillé pour la Stasi ou la jeune violoniste polonaise employée dans une gargote à saucisses qui retournera dans son pays.
Ce parti pris du réalisateur, qui estime que "ce manque de certitude décrivait bien les relations interpersonnelles de l’époque", dessert le film d'autant que la mise en scène, ressortit au réalisme documentaire et fait abstraction de tout psychologisme.
Situé dans un entre-deux, il est porté par l'interprétation sensible de Jördis Triebel qui a obtenu avec ce rôle le Deutscher Filmpreis 2014 de la meilleure actrice, équivalent allemand du César français. |