Réalisé par René Féret. France. Drame. 1h36 (Sortie le 18 mars 2015). Avec Nicolas Giraud, Lolita Chammah, Stévenin Robinson, Jacques Bonnaffé, Jenna Thiam, Brontis Jodorowsky, Marie Féret et Alexandre Zeff.
Il serait temps que René Féret, auteur d'une vingtaine de films en quarante ans de carrière, occupe sa juste place dans le cinéma français, c'est-à-dire l'une des premières.
Totalement libre dans ses choix, pouvant traiter de sujets familiaux comme de sujets plus particuliers, comme "Le Mystère Alexina", René Féret n'a jamais baissé la garde, offrant un cinéma à la fois exigeant et original, toujours compréhensible par un large public.
Après "Nannerl, la sœur de Mozart", le voilà qui s'attache à un autre artiste non pour en faire le "biopic" mais pour raconter "un moment biographique" de sa trop brève existence. Encore une fois au plus près de son personnage, Féret va ainsi montrer dans "Anton Tchekhov 1890" comment ce phare de la littérature russe était avant tout un homme bienveillant, un observateur curieux guidé par la soif de connaître ses contemporains et notamment les simples et les réprouvés.
Affecté par la mort d'un de ses frères, Kolia, Tchekhov décide de partir pour l'île de Sakhaline où vivent essentiellement des bagnards et des relégués. De ce voyage lointain, le premier loin de cette famille si nécessaire à une œuvre commencée pour subvenir à ses besoins, Tchekhov ne va tirer qu'un récit de voyage.
A la fois médecin des corps et des âmes, il y puise toute la matière humaine qu'on verra resurgir dans cette immense oeuvre théâtrale qui occupera la dernière partie de sa vie.
Nicolas Giraud, sensible, tout en nuances est parfait dans le rôle titre. Il ne construit pas un personnage monolithique, mais un être plein d'humour et d'ironie tout en pouvant paraître en retrait. Il faut le voir quitter les portes de sa timidité naturelle pour faire face à Tolstoï, excessif et truculent.
Directeur d'acteurs hors pair, utilisant sa "vraie" famille et toute une galaxie d'amis comédiens, René Féret donne une grande crédibilité au clan Tchekhov. Ici, personne ne cabotine, tout le monde est à l'unisson d'un projet d'une saisissante simplicité.
Jamais dans l'anecdote, "Anton Tchekhov 1890" de René Féret reconstitue le climat propice à l'émergence d'un grand artiste. Peu de films ont été capables de restituer au plus près l'environnement quotidien d'un être d'exception.
De ce "Tchekhov" très loin de la reconstitution académique, se dégage, malgré toutes les tragédies traversées, un parfum de bonheur qu'il fait bon respirer. |