Comédie dramatique de Athol Fugard, mise en scène Philippe Adrien, avec Christian Julien, Nathalie Vairac et Tadié Tuéné.
La Compagnie Grace Art Théâtre basée en Guadeloupe a choisi de porter sur scène, "Boesman et Lena", une pièce du dramaturge sud-africain Athold Fugard qui relate l'errance de deux autochtones dans un pays où la domination de "l'homme blanc" s'est pérennisée après l'esclavage par l'apartheid puis par l'exclusion sociale par la pauvreté.
En situation d'extrême précarité, doublement exclus par leur naissance, victimes de l'apartheid et appartenant à la classe des miséreux, leur cabane détruite par le protocole d'assainissement des blancs qui rasent les bidonvilles, pour Boesman et Lena, chaque jour est un autre jour de survie, et, chaque soir, ils rejouent le même psychodrame.
L'auteur n'aborde jamais de manière profératoire ou polémique, ni frontale ni réflexive, les thématiques relatives à la problématique raciale et la contagion de la violence, l'opprimé reproduisant le comportement de l'oppresseur sur plus faible que lui, la femme, ou l'inférieur ethnique, en l'espèce le mendiant bantou, le vieux cafre, y substituant l'évocation dans des dialogues narratifs.
Lena accepterait d'être la bonne des blancs si cela pouvait lui apporter un toit et elle ne cesse de se lamenter, véritable moulin à paroles, pour expulser sa rage et son désespoir, entre cette vie de chien sans espoir ni avenir, ses enfants mort-nés et les coups de Boesman.
Taiseux et brutal, Boesman préfère être libre, vivre au jour le jour d'expédients, la vente d'asticots pour la pêche et le ramassage des bouteilles vides, et poser chaque soir son baluchon loin de la ville pour monter une cahute de fortune. Une mentalité de buhsman nomade dit-elle, elle fière de son ascendance hottentote.
Pour la mise en scène, indiquant qu'il s'agit d'une pièce s'inscrivant dans le registre du théâtre mémoriel pour "se souvenir du pire pour tâcher d’éviter qu’il revienne", Philippe Adrien opte pour le naturalisme. Dans un décor de no-man's land conçu par Erwan Creff et sous les lumières crépusculaires de Pascal Sautelet, en costumes loqueteux, le couple harassé trouve encore la force de se livrer à l'ultime combat du jour.
Les trois comédiens Nathalie Vairac, Christian Julien (Boesman) et Tadié Tuéné (le cafre) réussissent de belles compositions incarnées et portent la partition avec un jeu quI ne s'égare pas dans l'anecdotisme. |