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puce Rétrospective Samuel Fuller - La Maison de Bambou
Cinémathèque française  janvier 2018

"Lorsque j’écris un livre ou un scénario, ou quand je fais un film, je ne suis intéressé que par une chose : une bonne histoire. S’il y a une un conflit dans l’histoire, il y a de l’action. S’il y a de l’action, il y a des émotions. C’est ce que j’appelle un film.*"

Samuel Fuller sait aller à l’essentiel, dans son écriture comme dans ses films. Pas d’atermoiements, pas de temps morts. De l’action et de l’émotion. Avec un intérêt très net pour les marginaux, l’underworld qu’il décrit dans toute sa sécheresse et sa complexité.

C’est par exemple Skip et Candy, le pickpocket et la prostituée de "Pick-up on South Street", animés davantage par l’avidité et le désir que par le patriotisme face aux "rouges", en plein maccarthysme.

C’est le personnage noir interné dans "Shock Corridor" qui se prend pour un membre du Ku Klux Klan, rendu fou par les violences que lui ont fait subir d’autres étudiants. Ce thème reviendra dans "Dressed to kill", où un dresseur noir tente de rééduquer un white dog, un chien dressé à tuer les personnes noires.

Son maître ? un papy gâteau qui vient accompagné de sa petite fille pour essayer de récupérer son bien. L’Amérique en prend pour son grade avec ce cinéaste franc-tireur, déterminé à raconter les histoires qui lui plaisent.

La variété des genres abordés par Samuel Fuller fait écho au parcours de ce dernier. De son expérience de journaliste, il s’inspire en partie pour tourner "Park Row", sur le développement du journalisme et la confrontation de deux reporters. Une expérience journalistique est également le point de départ de "Shock Corridor", film inclassable où un journaliste se fait passer pour fou afin d’interroger un homme interné. En chemin, il trouve là un microcosme de l’Amérique et de ses obsessions.

Mais c’est surtout la guerre qui a forgé le cinéma de Samuel Fuller. Il a connu le Débarquement, le sang, la peur de la mort, mais également la solidarité et les liens qui se créent entre des hommes qui partagent le même destin.

En 1945, il filme Falkenau et la confrontation des habitants des environs avec la réalité des camps de concentration **. Une plongée dans l’horreur qui ne le quittera jamais. Avec "The Big red one" ou "Fixed Bayonets !", Samuel Fuller fait revivre, sans exaltation patriotique ou romantisme, la violence de la guerre, telle qu’il l’a connue.

D’autres genres, encore, dans la besace de Samuel Fuller : "The Naked Kiss", avec un prélude inoubliable qu’on se gardera de dévoiler pour le film noir, Barbara Stanwick, impériale en chef d’exploitation dans un western merveilleux et sec comme un coup de trique, "Forty killers", ou encore de l’aventure avec le sous-marin de "Hell And High Water"…

Autant dire qu’on ne s’ennuiera pas durant la rétrospective que consacre la Cinémathèque française à Samuel Fuller entre 3 janvier et le 15 février 2018.

MAISON DE BAMBOU. Réalisé par Samuel Fuller. Etats Unis. Policier. 1h42 (Sortie février 1956). Avec Robert Ryan, Robert Stack, Shirley Yamaguchi, Cameron Mitchell Cameron, Brad Dexter, Sessue Hayakawa, Harry Carey Jr. et DeForest Kelley.

Par coïncidence, j’avais commencé à regarder "Maison de Bambou (House of bamboo)" sur mon téléviseur au moment où j’appris qu’il passerait en ouverture à la Cinémathèque française. J’avais déjà dû en regarder une bonne demi-heure, et je me trouvais très bien, entre le mont Fuji et les kermesses en bois.

Mais, cinéphilie oblige, j’ai préféré privilégier le grand écran et patienter un peu pour découvrir le film dans un vrai Cinémascope. Bien m’en a pris, car je n’avais rien vu de "House of Bamboo".

Dès le début, on reconnaît la patte de Samuel Fuller. Une composition étudiée - la verticalité du Mont Fuji en arrière-plan, l’horizontalité d’une ligne de chemin de fer qui coupe l’écran en deux. Un train traverse un petit pont.

Et tout de suite, l’action : le train est attaqué, des soldats japonais et américains tués. Webber, l’un des assaillants, blessé durant le raid, meurt sans dénoncer ses complices. On dépêche un soldat américain, avec une mission : infiltrer le gang et gagner sa confiance. Le dénommé Eddie Spanier (Robert Stack) est aidé par Mariko (Shirley Yamaguchi), la veuve de Webber.

Avec cette histoire d’Américains au Japon, Samuel Fuller ne tombe jamais dans l’exotisme de pacotille. Son Japon, souvent filmé en plan large, est aussi bien le Japon des temples que celui des maisonnettes en bois, précaires installations au bord de l’eau.

Exploitant parfaitement le format de l’écran, il invente des estampes nouvelles et grouillantes de vie. Les enfants qui jouent, les femmes qui avancent silencieusement, la démarche ralentie par leurs kimonos, l’agitation devant les stands du marché ou dans les kermesses font partie intégrante de cette histoire.

On découvre un Japon qui se reconstruit après la guerre, entre tradition et modernité. Un mélange fascinant qui n’a rien d’anecdotique dans ce premier film américain tourné entièrement au Japon.

L’architecture des maisons japonaises, en particulier les portes de bois coulissantes, offre des espaces modulables. Les intérieurs sont en permanence réinventés. La mobilité du décor permet de creuser, soudain, des profondeurs, comme dans la première confrontation entre Eddie Spanier et Sandy, le chef des gangsters, interprété avec une élégance inquiétante par Robert Ryan.

Eddie est empoigné par un homme de main, et jeté à travers une fragile cloison. Le papier se déchire, révélant une arrière-salle où sont réunis Sandy et ses hommes. Dans un même temps, les chambranles de la porte créent un nouveau cadre dans le plan, qui a cette fois la taille du traditionnel écran 1,33 : 1 et permet de resserrer l’action en concentrant l’attention du spectateur sur la confrontation à venir.

La fragilité de ces séparations est également au centre de l’histoire d’amour qui, peu à peu, se développe entre Eddie et Mariko. L’histoire reste pudique : aucun baiser n’est échangé entre les personnages.

Les différences culturelles entraînent quelques scènes comiques. Ainsi, Eddie n’ose pas sortir nu du bain devant Mariko et préfère prendre son petit déjeuner dans la baignoire plutôt que de devoir aller contre sa pudeur. Le personnage avait déjà installé un paravent entre la baignoire et Mariko, et avait fermé, non sans humour, la porte entre le spectateur et lui. Mais le jeu des ombres chinoises désamorce ce geste, rendant seulement plus présent le corps du personnage qu’on devine se dénuder.

Quant à Mariko, elle tire un rideau de fines tiges entre sa couche et celle d’Eddie, indiquant l’impossibilité d’un contact physique entre eux. Mais cette barrière laisse passer la lumière, et on peut aisément deviner les corps et les visages derrière.

Ce trouble amoureux n’est pas l’apanage du couple interracial, élément rare dans le cinéma de l’époque. Car le gangster Sandy se prend d’une affection rapide pour son nouveau complice, allant jusqu’à épargner sa vie lors d’une attaque qui tourne mal.

Le développement de cette relation est vue d’un très mauvais œil par l’ichi-ban (le numéro un) de Sandy qui est jaloux de l’affection du boss pour le nouveau venu. Samuel Fuller, dans son autobiographie, souligne le caractère volontaire de cette relation homosexuelle, évidemment scandaleuse alors.

Elle donne naissance à l’une des plus belles et des plus troublantes scènes du film. Une scène d’une violence aride, comme toujours chez Samuel Fuller, où l’on privilégie le bruit sec d’un revolver, le bruissement de l’eau qui s’écoule d’une baignoire. Et un dialogue entre un fou et un homme mort.

Une sécheresse que l’on retrouvera lors du règlement de comptes final, sur le toit d’un immeuble où se tient une fête foraine. N’en disons pas plus, mais c’est magnifique.


 

* Samuel FULLER, Un troisième visage, Editions Allia, 2011, p.372

** Cf Georges DIDI-HUBERMAN, Remontages du temps subi. L'Oeil de l'histoire, 2, Les éditions de Minuit, 2010, 272p.

 

Anne Sivan         
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