A l’aune de la rencontre entre notre président et Vladimir Poutine, dans une période de tension extrême entre l’Ukraine et la Russie, la lecture de l’ouvrage d’Alexandre Jevakhoff est particulièrement intéressante.

Historien et haut fonctionnaire, ancien élève de l’ENA, Alexandre Jevakhoff préside le Cercle de la marine impériale russe et il est membre de l’Union de la Noblesse russe. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages dont La guerre civile russe, déjà édité chez Perrin.

L’ouvrage qu’il nous propose en ce début d’année porte sur De Gaulle et la Russie. Toute sa vie, De Gaulle a eu une certaine idée de la Russie. Née lors de la visite de Nicolas II à Paris en 1896, murie pendant la Première Guerre mondiale durant son emprisonnement avec Toukhatchevski, vécue à l’occasion de la guerre polono-soviétique (1919-1920), cette idée a façonné les relations du chef de la France libre avec Staline et les communistes français, puis celle du président de la République avec Khroutchev et Brejnev.

La relation particulière entre De Gaulle et la Russie ressemble à un miroir dans lequel se découvrent la personnalité du Général, son rapport à l’Histoire, ses réussites et ses échecs. Alexandre Jevakhoff, privilégiant les sources peu connues et fort de témoignages et de documents inédits (correspondance avec l’amiral de Gaulle, entretiens avec le président Giscard d’Estaing, archives soviétiques et de services de renseignements déclassifiées), brosse avec maestria l’histoire de cette relation intense qui a largement conditionné l’histoire diplomatique des années 1940-1970.

Il existait déjà de nombreuses publications concernant De Gaulle et la Russie. On connaît dans les grandes lignes la politique et la diplomatie mise en place par le Général concernant la Russie. L’ouvrage de Jevakhoff a pour ambition de nous parler de faits moins connus concernant De Gaulle et la Russie.

Partant de là, il donne aux relations entre Charles de Gaulle et la Russie une lecture bien plus ample et plus contrastée que celle admise à ce jour. Que ce soit dans la Russie d’avant 1917 ou dans celle du régime soviétique, inspiré par l’éducation paternelle, De Gaulle a cherché un support et même un renfort pour la grandeur de la France. C’était sans compter sans les spécificités de l’URSS et de ses dirigeants pour lesquels la France représentait un objectif et non un partenaire…

On voit comment De Gaulle a utilisé l’URSS pendant la Seconde Guerre mondiale, sachant que les communistes français jouaient un rôle très important sur le territoire français pour résister à Vichy et aux Allemands. Cela explique d’ailleurs sa première visite en URSS en 1944 pour rencontrer Staline et signer un pacte d’alliance.

L’ouvrage nous montre aussi l’évolution des relations franco-russes au temps de la guerre froide qui souffle le chaud (rapprochement avec Khroutchev) et le froid (au moment du plan Marshall). Pour De Gaulle, la Russie resta néanmoins un allié naturel de la France, militaire pendant un temps, diplomatique ensuite. Il n’en reste néanmoins que dans l’autre sens, l’ouvrage nous le montre, la Russie a souvent su utiliser la France pour atteindre divers objectifs. C’est d’ailleurs ce que l’ouvrage qualifie d’échanges inégaux en conclusion, tentant de nous montrer ce qui aurait pu être différent si De Gaulle avait mieux appréhender la psychologie soviétique.

J’ai donc au final trouvé la lecture de cet ouvrage fort intéressante, complémentaire d’un autre livre lu récemment intitulé De Gaulle et les communistes, que je vous recommande de nouveau.