Spectacle écrit et mis en scène par Pauline Haudepin avec John Arnold, Mathias Bentahar, Pauline Haudepin
Si l'on peut faire un reproche liminaire à Pauline Haudepin, c'est d'avoir cédé à la mode conformiste d'intituler les spectacles, et souvent même les personnages qui en sont les protagonistes, en anglais. Il faudra donc démentir d'emblée ce qu'on put penser certains voyageurs du métro en voyant une publicité pour son spectacle "Painkiller" : non, il ne s'agit évidemment pas d'une adaptation de la série "Netflix" créée par Peter Berg, l'excellent réalisateur de "Hancock". Cette mini-série s'appelait "Painkiller" et traitait d'un scandale médical autour d'un médicament.
Ici, ce "tueur de maux" n'est pas une pilule ni un suppositoire, mais un personnage, un jeune homme ayant acquis une sérieuse réputation dans le stand-up et qui en a assez de faire des blagues toutes les trente secondes. Mais, contrairement à ses espérances, il n'en a pas fini avec l'obligation de faire rire à répétition, puisqu'il se retrouve dans une salle de bain, couché dans la baignoire, face à un homme qui lui tourne le dos et se regarde dans la glace de son cabinet de toilettes... Lui aussi est victime de la même terrible malédiction, celle d'avoir un pseudo dans la langue de Donald Trump. Paré du surnom de "Sad King", il compte sur ce néo-bouffon pour reprendre pied dans un monde qu'il a contribué à créer et dont il se sent désormais rejeté.
La pièce est un dialogue entre deux êtres au bord de la crise de nerfs, un roi sinistre, affairiste médiatico-politique en quête d'un bouffon insolent et drôle.
Pourtant, pas sûr qu'un humoriste retenu contre son gré, et s'adressant à un public jeune et hors des soucis d'un vieux capitaliste, puisse dérider le représentant le plus emblématique de cette caste.
L'affrontement entre Painkiller (Mathias Bentahar) et Sadking (John Arnold) fonctionne assez bien. L'acteur aguerri et le jeune premier s'écharpent comme il se doit et, étant donné que Pauline Haudepin prône une écriture en perpétuel mouvement, ils échappent aux mots d'auteurs d'un texte figé. Peut-être même que l'estime qu'on devine exister entre eux nuit un peu au résultat envisagé.
Revendiquant des spectateurs jeunes, et ayant trouvé un sujet qui semble convenir à cette cible juvénile, Pauline Haudepin livre sa vision de l'époque en préambule à leur confrontation.
Tout ce qui sera énoncé dans ce texte lu off sera rédhibitoire pour ceux qui vivent très bien sans réseaux sociaux et sans un environnement numérique. Les autres retrouveront un univers proche du leur dans la lutte symbolique du bien et du mal sous sa forme moderne. Encore une fois, la dichotomie sera maximale entre ceux qui n'y verront rien de neuf et ceux qui, au contraire, penseront que l'autrice utilise les bons mots pour désigner symboliquement les enjeux du moment. De là à les aider à agir, c'est une autre histoire... |