Pour la 52ème Biennale de Venise, la France est représentée par Sophie Calle avec l'exposition "Prenez soin de vous".
Artiste internationalement encensée, elle a recruté le commissaire par petites annonces et l'heureux élu est un artiste mondialement connu, Daniel Buren, qui, séduit par cette "compétition tous azimuts", s'est prêté au jeu, lettre de motivation à l'appui. L'humour français.
Très appréciée par Robert Storr, le directeur de cette Biennale, elle participe également à l'exposition internationale qu'il organise avec une vidéo, "Pas pu saisir la mort", qui montre, avec son accord pré-mortem, les derniers instants de sa mère qui s'éteint seule devant une caméra fixe. La vie est un art.
Sophie Calle, artiste
Selon ses dires, c'est Bernard Lamarche-Vadel, écrivain et critique d'art, qui l'invite à la Biennale des Jeunes de Paris en 1980 pour son premier travail "Les dormeurs" qui décida qu'elle était artiste.
Depuis, elle expose aussi bien à l'étranger qu'en France dont la rétrospective "M'as-tu vue ?" au Centre Pompidou en 2003-2004.
Car elle n'avait pas décidé de devenir artiste même si elle dit avoir fait de l'art pour plaire à son père. L'esprit français.
L'art de Sophie Calle
"On a beaucoup dit, surtout en France, que je ne faisais pas de l'art. Mais je n'ai pas eu à me poser la question. C'était d'abord pour moi un jeu. Et puis j'ai été vite défendue."
Selon Christine Macel, conservateur au Centre Pompidou qui organisa l'exposition précitée, Sophie Calle a forgé sa réputation sur "l’association d’une image et d’une narration, autour d’un jeu ou d’un rituel autobiographique, qui tente de conjurer l’angoisse de l’absence, tout en créant une relation à l’autre contrôlée par l’artiste."
Au carrefour de l'art de la performance, de l'art narratif, de la prédation urbaine et de l'auto fiction, Sophie Calle utilise des protocoles, qui ont été qualifiés d'artistiques, pour mettre en scène et représenter son alter ego, souvent en s'introduisant dans la vie de personnes anonymes, dont la relation est ensuite concrétisée par des installations, mêlant photographies, textes et objets.
"Prenez soin de vous"
Pour ne pas céder à la sentence "Chagrin d’amour dure toute la vie", suite à une rupture amoureuse, qui lui a été signifiée par mail par un courageux qui avait des lettres, mail se terminant par les mots "Prenez soin de vous", auquel elle n'a pas su répondre, elle a demandé à un grand nombre de femmes, choisies pour leur métier, de l'interpréter de manière professionnelle.
Pour "L'analyser, la commenter, la jouer, la danser, la chanter. La disséquer. L’épuiser. Comprendre pour moi. Répondre à ma place. Une façon de prendre le temps de rompre. À mon rythme".
Celle que Robert Storr décrivait, dans un article intitulé "Sophe Calle qui n'était pas là", comme "une jeune fille rangée à la poursuite du dérèglement systématique de tous les sens" n'est plus le personnage central de ses récits-photos.
En l'espèce, sa participation au protocole compassionnel se limite à être l'auteur des photos "parce qu’il fallait bien que je m’intègre d’une manière ou d’une autre".
Par ailleurs, elle ne procède plus par intrusion dans la vie d'anonymes mais en proposant un exercice de style à des intervenantes qui sont, pour l'essentiel, des personnes connues et médiatisées dont plus de la moitié appartenant au monde du spectacle.
Dans le pavillon français, doté pour l'occasion d'une pompeuse et théâtrale entrée, au demeurant de circonstance, les murs blancs des salles malcommodes sont envahis de textes. Cela donne à voir et à lire.
Comme lui avait dit sa mère lors du vernissage de son exposition au MoMa en 1992 "Tu les as bien eus !" |