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Jean-Philippe Domecq et Eric Naulleau  (Éditions de La Martinière)  2006

La situation des esprits est un essai ou plutôt un livre relatant plusieurs entretiens passés entre Jean-Philippe Domecq et Éric Naulleau. Domecq a notamment publié Qui a peur de la littérature? aux Éditions Mille et Une Nuits (2002). Et je peux dire que c’est lui l’auteur véritable de cet ouvrage.

On peut regretter, d’ailleurs, que le rôle de Naulleau se limite à de rares interventions qui ponctuent le "monologue" de Domecq. Éric Naulleau a, comme le prouvent Petit déjeuner chez Tyrannie, Le Jourde et Naulleau ou encore Au secours, Houellebecq revient!, un sens de l’humour efficace, et qui fait, hélas, défaut dans cette Situation des esprits. D’autre part, le style parlé, dont le choix provient du dispositif d’entretiens divisés dans le temps entre déjeuners, après-midi et soirées, fait songer que ce livre a été écrit à la galope comme dirait André Gide, et sans ce souci, primordial pourtant, d’un raffinement de l’écriture. Autre réserve, et non la moindre, La situation des esprits se présente parfois comme un pot-pourri des essais de Jean-Philippe Domecq, qu’il s’agisse de l’art contemporain, de la littérature ou de l’économie politique.

Cependant, je vois bien que Domecq poursuit une méditation l’amenant à adopter une attitude critique envers la culture en général.

 En ce qui concerne l’art contemporain, je préfère me déclarer incompétent ; bien que certaines réflexions viennent du bon sens comme le besoin de trier les œuvres en raison de leurs qualités inégales, ou encore, la nécessité de ne pas s’en tenir aux intentions de la part des artistes. Sa remise en cause de l’art contemporain rappelle étrangement, dans un autre domaine, le pamphlet de Benoît Duteurtre et intitulé Requiem pour une avant-garde, lequel a démontré les limites de la musique contemporaine néo-sérialiste représentée en France par Pierre Boulez, en Allemagne par Karlheinz Stockhausen, et en Italie par Luciano Berio. Bref, les critiques de Domecq, à propos de l’art contemporain, semblent prendre un tour générationnel, puisqu’elles visent les héritiers de Marcel Duchamp.

À l’instar de Naulleau, je me sens plus proche de Domecq, lorsqu’il aborde la littérature. Domecq s’intéresse au cas Michel Houellebecq, parce que celui-ci révèle une dérive quant au succès public et à l’accueil de ses livres par les médias. Il est incontestable que, depuis Les particules élémentaires (1998), l’auteur s’est peu à peu vidé de toute vie, publiant, après l’échec de Plateforme (2001), La possibilité d’une île (2005), suite des Particules mais en moins inspiré. Comme le dit Domecq, outre l’absence de style, Houellebecq s’est complu dans une idéologie indigeste, voire réactionnaire. De même que, dans La possibilité d’une île par exemple, sa volonté de confronter l’homme à l’humanité future ne permet pas de découvrir une émotion quelconque, ne serait-ce que par la confrontation de deux réalités antinomiques. Aujourd’hui, Houellebecq fait partie de ces auteurs qui n’ont rien à dire sur la vie, puisqu’il ne la pense même pas et surtout n’éprouve guère l’envie de l’appréhender.

Certes, j’accepte moins la définition de l’écrivain par Jean-Philippe Domecq. Il voudrait que ce dernier fût un aristocrate, redonnant consistance à l’opinion des écrivains français de la belle époque qui rejetaient la démocratie bourgeoise. Être écrivain ne nous donne droit à aucun privilège : nous pouvons peut-être mieux ressentir les choses, mais l’écriture est plus une souffrance, accrue par cette pleine conscience de la vanité de l’existence. D’un autre côté, pouvoir témoigner de l’humanité n’enlève point toute vérité au simple fait de vivre qui contient bien plus de richesses, de contenu que tout chef-d’œuvre de la littérature qu’il soit L’homme sans qualités de Robert Musil ou À la recherche du temps perdu de Marcel Proust.

 Je suis certain que Jean-Philippe Domecq en est conscient lui-même, lorsqu’il pense à dépasser toute dualité dans l’art, à chercher la beauté dans les failles, les interstices, dans tout ce qui se cache derrière le banal, à rejeter, enfin, le concept des philosophes qui ne peuvent comprendre ce besoin fou d’atteindre l’impossible, c’est-à-dire cette métaphysique qui nous éloigne, partant, du réel.

Enfin, Jean-Philippe Domecq s’intéresse à la culture politique. Chacun peut être d’accord sur le constat qu’il dresse au sujet de cette liberté sans choix, soit l’absence, après la chute du communisme, d’une alternative politique sérieuse à ce capitalisme sans règles et destructeur. Ce livre s’avère même prémonitoire lorsque l’on regarde les catastrophes qu’engendre le cercle vicieux du capital (si je suis Naulleau et Domecq, l’argent paraît être devenu l’unique enjeu dans les domaines de la littérature et de l’art contemporain).

L’autre intérêt de La situation des esprits du point de vue politique demeure cette critique du peuple comme cause de la situation. Par son vote, il a, en effet, souvent mené au pouvoir des majorités qui allaient à l’encontre de ses intérêts. Il ne faut pas négliger non plus, et là je dépasse l’analyse de Domecq, l’acceptation d’une irresponsabilité entière en confiant le pouvoir à des représentants. C’est le vice de toute démocratie représentative, soit l’impossibilité pour le peuple de pouvoir se diriger lui-même (nous pourrions confier l’autorité à l’ensemble de la population réunie en assemblées). Je remarque également cette proposition de Domecq qui est celle d’obtenir le partage des décisions entre salariés et chefs d’entreprise. Il me semble possible d’aller plus loin : en associant les individus, chaque être humain serait, au sein  de l’entreprise, sur un pied d’égalité avec tous les autres.

Mais je pense que Jean-Philippe Domecq et Éric Naulleau me reprocheront sans doute d’outrepasser mon rôle de critique. Donc, je vous conseille de lire cet ouvrage en raison des nombreuses pistes de réflexion qu’il contient (je dois à Domecq d’avoir révisé mon jugement à propos de l’apport des idées dans une fiction).

 

Thomas Dreneau         
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