Exercice
de mémoire d'après des entretiens de Jacques Rossi,
conception et mise en scène de Judith Depaule avec Samuel
Carneiro et Judith Depaule.
Jacques Rossi fut arrêté en 1937 par le gouvernement
stalinien et fut envoyé plus d'une vingtaine d'année
dans les camps de rééducation par le travail :
un quart de sa vie à n'avoir qu'une seule pensée:
survivre, survivre au goulag.
Jeune militant, il se serait battu, aurait risqué sa
vie pour son idéal, pour l'espoir des lendemains qui
chantent. Mais la machine a déraillé et l'organisation
formidable s'est retournée aussi contre ses zélés
serviteurs et par crainte du complot, paranoïa maladive,
logique ou raison d'état, le goulag s'est rempli, année
après année de millions de soviétiques,
hommes et femmes, politiques ou bandits, assignés à
du travail de force : extraction de minerai, constructions de
routes, chemins de fer, villes entières.
Peu en sortirent vivants. Jacques Rossi fait partie de ceux-là.
Alors il a écrit, raconté pour démasqué
la "belle" utopie et avouer un aveuglement, une faiblesse,
un romantisme qui furent les siens, auxquels il fut encore attaché
alors qu'il subissait le quotidien du goulag... jusqu'au moment
où il analysa que le léninisme comme le stalinisme
portaient en leur sein ces purges assassines, que la machine
n'avait pas déraillé, elle poursuivait sur sa
voie avec une précision d'horloge.
Judith Depaule a conçu le spectacle à partir
des entretiens avec Jacques Rossi et fait revivre son témoignage.
Et à l'heure où, condamnant le libéralisme,
on ne sait vers quoi espérer, la parole de Rossi agit
comme un électrochoc.
La mise en scène conduit le spectateur dans un lieu
aseptisé, blanc comme une salle d'hopital, une morgue?:
comme cet absolu de pureté fantasmé que le régime
sentait menacé. Samuel Carneiro joue le rôle de
Rossi et parle à l'oreille du spectateur: confession/complicité
ou pratique de l'espionnage.
La force et la gravité du sujet traité est mis
en valeur par le jeu sobre et pénétré de
Samuel Carneiro, assisté par un travail de vidéo
qui vient explorer les recoins de la mémoire ou rappeler
le nombre des détenus. Judith Depaule a utilisé
des moyens multimédia divers pour porter haut la voix
de Rossi, qui vient frapper les consciences.
"Ce que j'ai vu et appris au goulag" est certainement
un spectacle à voir en ce début d'année,
d'autant que nos températures de saison, toute proportion
gardée, vous mettent un peu en condition.
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