Drame
de Howard Barker, mise en scène Giorgio Barberio Corsetti,
avec Anne Alvaro, John Arnold, Francine Bergé, Cécile
Bournay, Jean-Charles Clichet, Luc-Antoine Diquéro, Christophe
Maltot et Julien Lambert.
Howard Barker, dramaturge anglais
qui revisite les grands mythes fondateurs de l'humanité
et la forme tragique à l'aune d'un théâtre
de la catastrophe qui s'affranchit de toute morale et de tout
happy end salvateur, inaugure la rentrée théâtrale
de janvier 2009 en étant à l'affiche de plusieurs
théâtres parisiens.
Le Théâtre National de l'Odéon lui consacre un cycle spécifique de quatre spectacles qui commence par une remarquable représentation de "Gertrude
(Le Cri) qui opère une réécriture
du drame shakespearien "Hamlet" en déplaçant
la focale sur sa mère, la reine Gertrude, sous l'angle
général d'une métaphysique du sexe et du
désir qui s'inscrit dans l'obsession originaire qui avait
été notamment analysée par Pascal Quignard
dans "Le sexe et l'effroi".
Gertrude est un personnage emporté dans la spirale infernale
de la quête extatique, l'extase comme but ultime et seul
moyen d'atteindre le secret ultime et fondateur, en s'extrayant
du monde sensible pour la fusion avec l'absolu par un désir
comme une hémorragie qui doit se noyer dans le sang et
qui se matérialise par le cri, le cri de la jouissance,
de l'enfantement et de la perte.
Mais elle est aussi une entité, celle de la matrice
fondatrice, figure femelle dévorante et funeste, ce "con
béant" signifié par Lacan, la semeuse de
mort et de vie, parfaite synthèse d'Eros et Thanatos,
qui fascine, à des titres divers, chacun de ceux qui
gravitent autour d'elle, quels qu'ils soient, homme ou femme.
La mise en scène au cordeau et la scénographie
d'un minimalisme esthétisant, qui ne se prive pas de
spectaculaire avec notamment le dispositif final en miroir géant,
de Giorgio Barberio Corsetti sont
audacieuses, intelligentes et éclairantes.
Ainsi les protagonistes sortent d'une scène profonde
et ténébreuse pour faire un petit tour sur le
manège de la vie, symbolisé par un décor
qui tourne sur un circuit fermé en forme de huit, symbole
de l'infini, avant de sombrer inéluctablement sous le
regard lourd de l'immanence.
Sur la scène, la distribution est éblouissante
et l'interprétation des comédiens, qui portent
ce spectacle à son incandescence, sans faille.
Anne Alvaro donne de Gertrude une composition d'un érotisme
total qui tient du détachement avec laquelle elle incarne
le mystère jamais révélé même
dans la nudité totale. En personnage miroir,
Francine Bergé est excellente tout comme
John Arnold en double voyeur de l'auteur.
Tout comme Christophe Maltot, étonnant
Hamlet infantile, pudibond et moraliste, Luc-Antoine
Diquéro et Jean-Charles Clichet,
amants pétrifiés et Cécile
Bournay, variante petite bourgeoise d'Ophélie.
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