Philippe Lelièvre
arrive au théâtre sur les chapeaux de roue... de sa
moto, ses chemises sortant du pressing à la main, Ã
moins d'une heure du début du spectacle.
Portrait d’un homme pressé, extrêmement sympathique,
pour une interview à l’envers, en commençant
par ses projets, pour ne pas se laisser piéger par le timing
serré, sur un banc de Montmartre avant le coucher du soleil.
Vous bénéficiez d’une bonne
critique et d’une critique unanime. Givré s’arrête-il
au Ciné 13 ou avez-vous des projets pour le faire tourner
?
Philippe Lelièvre : Le spectacle va courir
jusqu' Ã fin juin et j'ambitionne de le reprendre en septembre
dans une salle un peu plus grande et il y a une tournée prévue
à partir de janvier 2005.
Givré constitue votre actualité et
vos projets à court terme. Avez-vous d’autres projets
?
Philippe Lelièvre : Fin mars, je commence Ã
tourner avec Vincent de Bruce, un film avec Villeret et Clavier
ou je fais le chauffeur de Clavier, qui finira pas être le
chauffeur de Villeret d'ailleurs. C'est une comédie qui est
pas mal du tout et j'ai un joli petit rôle dedans. Et puis
il y a d'autres projets dont je ne parle pas encore, car ce n'est
pas encore sûr.
Vous avez fait du cinéma, de la télé,
de la radio, des pubs, même de la chanson et vous avez aussi
fait des spectacles d'impro, venez vous de la ligue d'improvisation
?
Philippe Lelièvre : Oui, oui. Je suis issu
de la Ligue d’impro. J'ai fait quelques années d'impro
dans la ligue, il y a de cela environ 10 ans. Je suis allé
jusqu'au championnat du monde et j'ai d'ailleurs été
champion du monde, en Suisse, et puis j'ai arrêté,
j'avais fait ce que j'avais voulu. Et ensuite avec 2 amis, Michel
Lopez qui était coach et le membre fondateur de la ligue
d'impro française, on a fait un spectacle d'improvisation
qui s'appelait Improvizafon, qui n'avait rien à voir avec
la ligue d'impro, et dans lequel on improvisait avec les thèmes
du public.
Est-ce une bonne formation, ce qui vous donne autant
d'aisance sur scène ?
Philippe Lelièvre : Non je ne pense pas. Pour
moi l'impro c'est quelque chose qui s'est trouvé sur mon
chemin. Je n’ai pas rencontré ça à mes
tous débuts mais c'est vrai que c'est assez formateur pour
pouvoir lire entre les lignes et être capable de répondre
aux gens ce que j'avais beaucoup de mal à faire. Je ne suis
pas encore très formé à répondre aux
journalistes, je suis pas très à l'aise pour ça,
je me sens bien sur scène …et sur ma moto.
Vous avez toujours voulu faire du théâtre
?
Philippe Lelièvre : Oui, depuis que je suis
enfant je veux faire ça. C'était pas bien concret
dans ma tête, je ne savais pas bien le définir, mais
j'ai toujours voulu faire rire les gens, faire du cirque, faire
du théâtre
Plutôt un registre comique alors ?
Philippe Lelièvre : Oui et non, comique c'est
venu après.. enfin c'est pas venu après mais... Moi
j'ai un avantage c'est que je n'ai pas une tête de comique
.. donc la comédie elle peut venir mais bizarrement on m'a
toujours proposé, à la télé notamment,
des choses beaucoup plus dramatiques, beaucoup plus introverties
...
Givré est une réelle performance d’acteur
dans la mesure où vous explorez tout le comique (gestes,
situation ..) et dans lequel vous vous métamorphosez Ã
vue, sans décor ni accessoire, ni costume. Comment parvenez-vous
à incarner instantanément tous les personnages sans
hiatus de manière à ce que le spectateur semble voir
chaque minute un autre personnage et que cela reste cohérent
?
Philippe Lelièvre : Alors ça c'est réellement
la formation de l'improvisation qui permet de sauter d'un personnage
à l'autre. Là en l'occurrence il y a une vraie trame
écrite, il y a une vraie construction pour ce qui est texte.
Après, le fait de passer d'un personnage à l'autre,
je suis tombé dedans quand j'étais petit car je ne
vois pas la difficulté de le faire. C'est comme un pilote
de F1 quand vous lui dites de rouler à 380 ...
Je ne sais pas , c'est Dieu qui me l'a donné et c'est quelque
chose que j'ai entretenu mais je ne vois vraiment pas la difficulté
de ça. C'est quelque chose de naturel, voilà .. Et
que j'ai travaillée bien entendu et que je continue Ã
travailler. Il est plus dur de construire un spectacle et de bien
l'écrire à mon sens que de l'interpréter.
L'interprétation c'est la cerise sur le gâteau d'un
bon scénario ou d'une bonne pièce. Mais pouvoir interpréter
un rôle si vous avez des choses intéressantes Ã
dire c'est formidable.
Le spectacle est présenté comme une
pièce co-écrite par Arnaud Lemort et Philippe Lelièvre.
Mais une pièce de théâtre avec un seul interprète
pour tous les rôles ...
Philippe Lelièvre : …Voila, ça
coûte moins cher (rires)
…et est ce que c'était prévu
pour être joué à plusieurs ?
Philippe Lelièvre : Pas du tout. Monter sur
scène seul ça fait longtemps que je voulais le faire.
J'ai joué beaucoup au théâtre, dans des troupes.
C'est d'ailleurs ce qui est un petit peu triste au début
dans la loge c'est d'être seul ...avant le spectacle, une
fois qu'on est sur le plateau ça va. Mais c'était
une volonté de ma part de faire un spectacle seul. Pas de
sketches mais en racontant une histoire et fatalement les personnages
sont venus ... Car en fait certains d'entre eux me suivent depuis
longtemps et je les connais bien mais ils n'avaient jamais eu une
pièce pour s'exprimer. Ils ne s'étaient jamais rencontrés
en fait...
Donc il y a peu de place pour l’impro Ã
l’exception du petit intermède ?
Philippe Lelièvre : Oui, c’est un petit
clin d’œil. D'ailleurs quand je dis au public, que quand
j'ai écrit le spectacle je cherchais un moment où
je pouvais boire, c'est vraiment pour boire. Au début je
buvais et puis petit à petit l'impro est montée et
puis voilà quoi ...
Vous dites que vous aviez déjà certains
personnages en tête mais qu’ils n’étaient
pas encore incarnés dans une pièce. Ces personnages
vont-ils être récurrents car on se demande comment
le comédien va rebondir après un one man show ?
Philippe Lelièvre : J'ai une idée de
la suite déjà ... avec les mêmes personnages,
peut être d'autres mais il y aura une suite.
Et cette histoire de troupe amateur ....
Philippe Lelièvre : C'est un prétexte..
alors c'est vrai que d'un seul coup on a beaucoup entendu parler
des répétitions etc mais moi ce qui m'intéresse
dans le spectacle c'est quand on sort du théâtre, et
on en sort assez vite, c'est à dire quand on part Ã
la campagne et qu'après on découvre les personnages
avec leur personnalités et qu'on oublie un peu le théâtre,
on oublie ce qui les lie en fait. Et après ça part
dans le délire car j'aime .. et je me suis calmé sur
l'absurde parce que je voulais faire un spectacle qui soit quand
même à la portée de tout le monde.
D'autre part vous évitez tous les pièges
de l'humour facile et c'est même parfois assez poétique
...
Philippe Lelièvre : Bein moi je ne suis pas
du tout .. je suis moi tout simplement, c'est à dire que
je ne me force pas à être vulgaire ou quoi que ce soit.
Je n’ai pas de cahier des charges. Moi je suis pas un fana
de la vulgarité même si il y a des trucs qui peuvent
me faire rire mais je n'arrive pas à le faire moi. Je préfère
l'absurde, je préfère la poésie et on peut
faire rire avec autre chose qu'en disant des grossièretés.
Mais il y a des comédiens qui utilisent ça et ça
me faire rire mais moi je ne suis pas fait pour faire cela. Ça
me plait moins à interpréter mais je ne jette pas
la pierre à ceux qui le font puisque cela me fait rire.
A propos du spectacle et de cette troupe amateur
qui répète un spectacle qui ne sera peut être
jamais joué vous avez connu cela ?
Philippe Lelièvre : Un peu oui mais ce n'est
pas autobiographique ... j'ai pris des évènements
de ma vie comme la pub que je fais en ce moment et que les comédiens
en général disent "je ne veux pas faire de pub
parce que ceci parce que cela" mais ce n'est pas autobiographique.
J'ai été dans des troupes amateurs, j'ai fait beaucoup
de théâtre donc il y a des choses qui sont venues comme
cela mais je n'ai pas voulu raconter ma vie du tout.
A quel genre genre d'humour êtes-vous sensible
? Qu’est-ce qui vous touche et qu’est-ce qui vous fait
rire ?
Philippe Lelièvre : J'adore Desproges, j'adore
les Monty Python .. tout ce qui peut toucher à l'absurde
me plait. Mais j'aime le pluralisme en général, je
peux aller allez voir une pièce complètement ringarde
et puis une pièce un peu prise de tête. Je peux en
aimer une, je peux aimer les deux. Quelques fois j'ai des a priori
qui s'effacent quand je vais voir des spectacles mais je ne veux
pas aller voir qu'une forme de théâtre. C'est pour
ça que d'un seul coup il y a quelque chose qui va pouvoir
me faire rire et la semaine d 'après ça va être
autre chose. .. mais ce qu'il me fait rire en général
c'est plutôt l'absurde.
Parce que l’absurde a souvent un lien avec
des questions métaphysiques ou existentielles ?
Philippe Lelièvre : C'est peut être un
peu refuser la réalité. Quelquefois je me sens comme
un grand adolescent mais je ne veux pas que ça me quitte
non plus parce que cela m'aide à penser autrement. Je suis
quand même très les pieds sur terre aussi. Mais sur
scène je n'ai pas envie d'être dans le quotidien. Et
j’ai envie de proposer autre chose.
A propos des idées pour la suite... Givré
est votre premier one man show ?
Philippe Lelièvre : Je pense que je vais faire
la suite et après j'arrêterais car ce n'est pas du
tout un plan de carrière d'être ... ce que je voulais
c'était le faire, et c'est fait et je suis très fier
de moi de l'avoir fait parce que ça a mis très longtemps
à venir et que à chaque fois j'avais une bonne occasion
de dire "j'ai pas le temps de le faire" Ã cause
de tournages, de la radio ....et maintenant c'est bien installé
et pour trouver la suite, c'est juste l'idée car les personnages
sont là , il y en aura peut être d'autres, mais ceux
là resteront car à entendre les gens, ils les aiment
et ont le sentiment que ce sont des personnages qu'ils n'ont jamais
vu ailleurs .
C'est vrai car s’ils n'ont rien d'exceptionnels
en eux vous avez une façon de les décrire, de les
faire vivre ...
Philippe Lelièvre : Mais je les aime surtout
!! (cri du coeur).
Ma schizophrénie s'arrête mais .. je pense que je suis
un petit morceau de tout ceux là par ce que quand on interprète
et quand on écrit c'est forcément des petits morceaux
de soi. J'ai un peu de Jean Christophe, un peu de David , peut être
de l'Isabelle, je n’en suis pas vraiment sûr.
Votre Collectif 6 9, créé lorsque
vous faisiez des émissions de radio, existe encore ?
Philippe Lelièvre : Oui mais j'ai arrêté,
je ne pouvais pas tout faire. Il fallait se lever à 4H45
et avec le théâtre ce n'est pas possible, ce qui fait
que j'ai arrêté il y a 3 mois
C'est avec eux que vous avez fait un disque ?
Philippe Lelièvre : Oui oui, on a même
vendu, j'ose le dire, 900 000 disques, l’album Sfur et les
singles.
Incroyable !!
Philippe Lelièvre : Et oui mais quand vous
avez une médiatisation au sein d'NRJ ça veut dire
que vous touchez presque 1 million de personnes au quart d'heure.
Mais c'est pas parce qu'on en a vendu 900 000 qu'on a du talent,
c'est surtout que ça a été fait pour notre
cible. Si on veut faire un truc un peu pointu pour NRJ ça
sert à rien. Donc voilà , c'était pour rigoler,
on a rigolé de ça ! On ne s'est pas pris la tête.
Vous n'avez pas de plan de carrière mais
vers quoi voudriez vous vous orientez ?
Philippe Lelièvre : J'aimerais, comme tous
les comédiens je crois , pouvoir alterner le théâtre
et le cinéma. En Mai et Juin ça va être formidable
parce que je jouerais le soir et je tournerais la journée.
Mon plan de carrière, si on peut parler d’un plan de
carrière en ce qui me concerne, c'est de continuer Ã
faire ce métier, que ça ne s'arrête jamais.
Â
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