Réalisé
par Nicolas Winding Refn. France, Etats-Unis. 2003.
Drame. Avec Julianne Moore, Dennis Quaid et Dennis Haysbert.
La bourgeoisie des années 50 aux Etats-Unis envisageait l’homosexualité comme une maladie qu’il fallait soigner. Et lorsqu’un blanc voulait se lier d’amitié avec un noir, il fallait se cacher du regard des autres.
L’humanité semble aujourd’hui bien plus tolérante. La tolérance, c’est le thème qu’aborde Todd Haynes dans Loin du paradis (Far From Heaven).
Julianne Moore est Cathy Whitaker, la femme au foyer parfaite. Belle, toujours impeccable, elle évolue dans un périmètre bien défini, et se garde de franchir les limites que lui impose sa position sociale.
Sa vie va cependant prendre un léger tournant lorsqu’elle découvre que son mari (interprété magistralement par Dennis Quaid) est homosexuel. Il faut prendre sur soi, et surtout le cacher aux autres. Et pour ne rien arranger, elle va trouver du réconfort, et finir par tomber amoureuse de son jardinier noir.
Il est très difficile de construire une histoire sur des fondations fragiles. Le spectateur doit pouvoir s’identifier aux personnages et aux situations. Or, l’homophobie et le racisme ambiants présents chez certains personnages de ce film sont si primaires qu’ils peuvent paraître désuets, donc inefficaces.
Mais le film fonctionne à merveille. Todd Haynes nous plonge très subtilement dans cet univers parfait en apparence, mais en réalité bourré de névroses et d’hypocrisie.
Il y a dans ce film un décalage permanent entre le fond et la forme. Haynes est posé. Sa caméra glisse avec élégance sur les arbres rouges, suit gracieusement le rouge vif des vieilles Ford, s’envole au-dessus des grandes maisons de banlieues, s’élève vers un ailleurs que Cathy Whitaker va caresser du doigt. Julianne Moore elle aussi est posée, calme, et douce. Voire parfois un peu éthérée. Son caractère contraste tant avec la révolution qui se déroule chez elle (et en elle), que le personnage devient alors très vrai et émouvant.
Ici, pas d’excès d’hystérie, rien n’est frénétique. Les scènes de disputes sont gérées par les comédiens avec beaucoup de subtilité. Tout est à l’image du milieu atrocement intolérant dans lequel ils évoluent. Le spectateur a du coup plutôt l’impression d’assister à une piqûre de morphine qui lentement fait son effet, plutôt qu’à l’ouragan dévastateur qu’est en réalité l’histoire de ces personnages.
Et lors de la scène finale, n’importe quel amateur de Die Hard ou de Steven Seagal se surprendra à contenir une larme.
Peut être que dans le fond, on n’est pas si loin des années cinquante. Près de cent ans après Intolérance de David. W. Griffith, le sujet est plus que jamais d’actualité, et Todd Haynes a compris qu’il valait mieux en remettre une couche. On ne sait jamais. |