Comédie dramatique de Ignacio del Moral, mise en scène de Agathe Alexis, avec Vincent Escure, Olivier Pilloni et Jonathan Salmon.
L’auteur dramatique espagnol Ignacio del Moral trempe sa plume dans la bouteille à l’encre des troubles pubertaires pour raconter, dans l’Espagne post-franquiste, les pérégrinations tragi-comiques de trois adolescents réunis par la même crise paroxystique de l’adolescence, crise difficile, solitaire et douloureux qui ne connaît pas les frontières de classes.
Ces trois-là, fils de bourgeois ou enfant des cités, confrontés à un vécu et à des angoisses différents, et que ne lie aucune affinité élective particulière, leur seul commun dénominateur résidant en des codes physiques, fort bien ciblés par la chorégraphe Claire Richard comme "un méta-langage gestuel", se trouvent au milieu du gué.
Tout se noue et se dénoue en une nuit cathartique, "La nuit de l’ours", nuit de tous les dangers et de toutes les tentations peut-être plus fantasmés que vécus, passage dont les rites restent opaques même pour les protagonistes une fois devenus adultes.
Dans un décor minimaliste de Christian Boulicaut qui exclut tout anecdotisme, et même si les protagonistes témoignent de particularismes ibériques, Agathe Alexis signe la mise en scène parfaitement maîtrisée d’une partition à l’universalisme entendu, mais en l’occurrence crédible, qu’elle analyse comme "un voyage initiatique, esthétique et fantastique" conduisant à l’acceptation de l’intégration raisonnable dans le monde des adultes.
Cette polychromie dramaturgique est remarquablement portée par Vincent Escure, Jonathan Salmon et Olivier Pilloni, trois jeunes comédiens qui ont fait leurs classes à l’Ecole du Studio d’Asnières ou à l’Ecole du Théâtre National de Chaillot, et qu’elle dirige efficacement.
Ils parviennent tous trois, dans des registres et avec des moyens différents, qui laissent déjà augurer de leur emploi, à donner corps à la mue douloureuse et incertaine de l’homme en devenir avec juste cette pointe de surjeu qui permet de ne pas sombrer dans le naturalisme consensuel. |