Voilà le millésime 2011 de la prolifique romancière Janine Boissard qui livre, bon an, mal an, au moins un de ses romans sentimentaux dont elle a le secret.
Depuis plus de trois décennies elle oeuvre à la perpétuation de ce registre, souvent décrié, gaussé et méprisé dans sa veine populaire depuis son apparition au début du 20ème siècle, ne jouissant pas du prestige littéraire du roman d'amour des siècles précédents tels "La princesse de Clèves" ou "Le lys dans la vallée".
Et rit bien qui a ri le dernier car la littérature du coeur à double titre, roman sentimental et valorisation des vertus humanistes, de Delly à la collection Harlequin en passant par Barbara Cartland et Guy Des Cars, caracole en tête du hit-parade de l'édition.
Sans réinventer le genre fictionnel sentimental (l'amour comme valeur éthique) ou en malmener le dogme narratif trinitaire (un amour, un obstacle, un dénouement heureux), Janine Boissard procède habilement en l'hybridant avec un autre genre pour kaléidoscoper la toile de fond.
Ainsi, par exemple, "Loup y es-tu ?" paru en 2009 se doublait d'un roman à suspense et d'une enquête policière sur les traces d'une passion tragique sous le soleil sicilien.
"N'ayez pas peur, nous sommes là" circonscrit l'action dans l'hexagone, et plus précisément dans la douceur vivre de la province tourangelle avec une paisible incursion balnéaire à l'île de Ré, pour une immersion dans le quotidien des sapeurs-pompiers propice à l'exaltation des grandes valeurs humaines que sont le courage, le dévouement et l'altruisme.
Et pour cet opus, rien que des bons sentiments et une histoire d'amour sans réel obstacle autre que la peur d'aimer et l'abondance de biens venant de la pluralité de prétendants.
L'héroïne, la jeune, belle et intelligente, Manon, née dans une famille aisée et aimante, a choisi d'être pompier professionnel pour des raisons peut-être moins évidentes qu'il n'y paraît et qui ont à voir avec l'histoire familiale.
Brave et courageuse, comme il se doit, pour sauver son prochain au péril de sa vie mais le courage lui fait défaut dans sa vie sentimentale car elle n'ose plus aimer.
Mais comme l'écrit Janine Boissard, l'amour est le soleil intérieur de l'homme et Manon est comme toutes les femmes, elle fait la part plus belle à l'émotion,"sans doute parce qu'elles portent la vie en elle et que la vie n'est qu'émotion".
Une histoire d'amour donc mais trois déclinaisons : son binôme pompier, car un pompier ne part jamais seul au feu, un brave gars, presque un frère avec qui elle fait vocation commune au quotidien, son premier amour, un canadien marié et baladeur qui lui a laissé une merveilleuse petite fille, et l'outsider, l'homme nouveau, un écrivain-journaliste, quadra célibataire beau de sa personne et beau parleur, qui est "entré par effraction dans son coeur et à son corps défendant" et la demande illico en mariage.
Entre deux sauvetages, Manon sera-telle prête pour un nouveau départ ?
Janine Boissard ne se départit pas d'une écriture édulcorée d'un autre temps, même si elle dépeint en l'occurrence une jeune femme d'aujourd'hui qui exerce un métier considéré traditionnellement comme un métier d'homme : la trousse de maquillage est "un petit matériel de coquetterie" et le baiser "un chiffonnement de soie".
Réservé donc à un lectorat averti. |