Quel est le point commun entre le martinet, la pieuvre, la raie, la bécasse et le cachalot ? Entre le cochon, le corbeau, la coccinelle et le chat ? Aucun me direz-vous… Après quelques secondes de réflexion (voire pas de réflexion du tout), ce sont tous des animaux… victimes de nos préjugés, illustrant des expressions, maximes et boucs-émissaires de la mauvaise météo. Puis, d’un soupir résigné, vous murmurerez pour vous-même : Drôles de bêtes !

C’est exactement ce que s’est dit Jean-Pierre Fleury. Si ce nom vous est familier, c’est parce qu’il est l’entrepreneur de la fabuleuse aventure des Histoires Naturelles avec son comparse Igor Barène. Les plus insomniaques d’entre nous sont ô combien familier de ce documentaire retraçant le rut du bouquetin, la chasse aux anguilles en mare peu profonde abritée sous un saule, la meilleure technique pour pister un cerf branchu et le meilleur moyen de choper un bon gros sanglier pour régaler la famille dimanche prochain. Ça vous rappelle quelque chose maintenant ?

Du fond de sa Sologne tout en balades à champignon et petits coins romantiques au bord de l’eau, Jean-Pierre Fleury nous offre un fabuleux bestiaire, riche de documents, d’anecdotes, de paroles célèbres et d’infos croustillantes, tantôt drôles, tantôt tristes. Le but ? Replacer les rapports homme/animal à ce qu’ils sont réellement : "nous ne sommes pas des bêtes"… "Cela est parfois bien dommage !".

29 parties, 29 animaux, des dizaines de dizaines de trucs, infos, bidules et petits encadrés à savourer. Dans le désordre : le ver de terre peut exercer une force allant jusque 60 fois son poids (ah oui quand même), les papillons ont un membre au nom bizarre capable de détecter le champ magnétique terrestre (cool), on peut lire l’âge d’un poisson en regardant ses écailles, suffit de compter les stries… mouais, plus facile avec un arbre quand même ! Dans le cochon, tout est bon, que ce soit pour la saucissonnaille ou pour Vuitton ! Sauf… le lait ! C’est vrai qu’il n’y a pas de fromage de cochon dans les étalages, trop difficile à traire. 60 à 80% des chats blancs aux yeux bleus sont sourds… Et le mien est un raton-laveur (qui ne lave pas !).

Mais ce n’est pas tout, vous trouverez aussi Hugo, La Fontaine, Hitchcock, des esquisses, des reproductions de tableaux, des dessins, des schémas, des photos, des montages, des légendes, des logos, des BD, de la musique… Il ne manque rien... sauf la recette de cuisson de la pieuvre (après l’avoir battue pour l’attendrir, j’en fais quoi ? A la poële ? Au four ? Mariné ? En rondelles ? Avec de l’ail ? En salade ?).

Avec une dérision toute Esopienne, et du papier qui ne tue pas les forêts, Jean-Pierre Fleury brosse des portraits d’animaux vus par les hommes, mais pas n’importe quels animaux. Loin des drôles de bêtes NAC (nouveaux animaux de compagnie dégueu que sont les serpents, crocodiles, requins marteaux et mygales), loin des rabâchés portraits de cheval à rayures, roi des animaux à crinière mal coiffée, girafes à la langue bleue et gazelles plus vite que l’éclair, il nous parle de ces animaux que nous connaissons, fréquentons (les zoizeaux, et les saucissons sur pattes), détestons (le foutu tique à virer au pied de biche et trucider à la flamme) ou adorons (les minous et les toutous), et franchement, ça change ! Et ça fait du bien.

De quoi regarder d’un autre œil Mireille l’abeille, Margot l’escargot, Pat le mille-pattes, Lulu la tortue, Prosper le hamster et les autres… ou de briller en société ou de savourer "le plaisir de s’adonner à l’activité totalement inutile et pourtant essentielle qu’est la lecture".