A
la Guinguette Pirate, ce soir du 24 novembe 2004, le concert des
Clogs, pour lesquels nous étions venus, s'inscrivait dans
le Festival Musiques Volantes.
Créé en 1996, ce festival s'intéresse à
toutes formes de musiques actuelles et aux artistes qualifiés
de "marginaux" qui défendent des projets très
personnels et singuliers. L’édition 2004, la 9ème,
a essaimé dans tout l’hexagone avec l’appui de
nombreuses salles dont La Guinguette Pirate.
Musiques volantes donc, mais plutôt flottantes pour le spectateur
non averti. Et flottantes à plusieurs titres.
D'abord, bien entendu, parce que la Guinguette Pirate, jonque chinoise,
flotte sur la Seine, mais aussi parce que les musiques qui y sont
programmées sont de celles qui naviguent entre deux eaux
et vous emportent dans leur flots, pour le meilleur et pour le pire.
La
soirée débute vers 21h, devant un parterre de spectateurs
clairsemé, par le set expérimental noisy de Marc
Sens.
Pas tombé de la dernière pluie, penché sur
sa guitare électrique, il la triture, la frappe avec une
baguette de batterie, la gratte avec une chaîne, la chatouille
d'un ballon pour lui faire sortir des sons inhabituels, repousser
les limites phoniques de l'instrument.
Il résulte de l'exercice, tenant tant de la performance
visuelle que musicale, une musique destructurée touchant
autant à la musique contemporaine qu'au rock sans avoir les
caractéristiques d'aucune des deux.
Le public, assis, silencieux, applaudit poliment.
Les
applaudissement seront bien timides pour le surprenant Un
caddie renversé dans l'herbe.
Sous ce pseudo qui fleure bon la dérive de la société
consumériste, Didac P. Lagarriga.
A mi-chemin entre la musique expérimentale et la musique
traditionnelle d'influence africaine, il utilise aussi bien un pc
portable qu’une calebasse munie de lamelles métalliques,
un mélodica et une flûte à bec que des échantillons
sonores passés à la moulinette.
Le set s'achève par une sorte de danse incantatoire. Il
tourne sur lui-même, les mains au dessus de la tête,
l'air illuminé... affligeant ou avant gardiste ... je vous
laisse juge.
Après une courte pause, histoire de se remettre de nos émotions,
le très attendu quator des Clogs
investissent tranquillement la scène.
Bryce Dessner (à la guitare, par
ailleurs membre des excellents The National)
prépare ses partitions, Padma Newsome
(violoniste et également membre honoraire de The National)
rajuste sa casquette et met ses lorgnons, Rachael
Elliot suçotte l'embout de son basson tandis que le
batteur, Thomas Kozumplik, installe une
sorte de bidon métallique à côté de sa
batterie.
Il nous tardait de les entendre en live même si une certaine
appréhension nous tenaillait. Car les Clogs œuvre dans
un registre instrumental plutôt conceptuel au sens non péjoratif
du terme et, après la symbiose réussie entre la musique
classique, les rythmes traditionnels, le folklore et l'énergie
du rock de leur deuxième album Lullaby
for Sue, ils nous ont livré cette année un
troisième opus minimaliste, Stick
Music, qui tend vers l’ascèse musicale, ce qui
exige une écoute pour le moins attentive, ce qui n'est pas
toujours possible en live.
Mais
le public était ce soir là, thème du festival
oblige, particulièrement silencieux, voire recueilli.
Et les Clogs, musiciens avertis et aguerris, ont su composer une
setlist particulièrement judicieuse en évitant les
pièces trop contemplatives pour proposer une combinaison
équilibrée de leurs compositions aussi bien anciennes
quedes inédits en la parsemant de morceaux presque rock.
Malgré la difficulté pour Rachel Elliot de jouer
du basson en raison de la température basse, au point où
Padma Newsome lui a acheté un melodica, le concert se déroule
dans une parfaite harmonie.
Les Clogs sont détendus, à l’aise, heureux
visiblement de jouer devant un public aussi attentif ce qui n’est
pas chose habituelle et qu’ils nous disent apprécier
tout particulièrement.
Bryce Dessner, bien que très réservé, presque
timide, mais qui parle mieux le français qu’il voudrait
nous faire croire, présente les morceaux assortis de quelques
commentaires.
Il assure également la traduction quand Padma Newsome s’emballe
en essayant d’expliquer en français la genèse
de ses compositions.
Ainsi en sera-t-il pour celle concernant "Le
chant du grillon", qui raconte comment le grillon se
voyait lui-même, "Washington bridge"
ou “Be a lighter to get me back home”
nouveau titre sur un phare sur une île en Australie, pays
de Padma Newsome.
Quelques morceaux du nouvel album sont joués mais également
des plus anciens notamment "I'm very sad"
qui se trouve sur le rare 1er album Thom's
night out..
Les Clogs jouent même un morceau classique du 15ème
siècle en duo guitare et violon sans archet dont la modernité
est étonnante.
Et ce qui est particulièrement frappant c'est non seulement
leur maîtrise, les Clogs sont d'excellents musiciens, ce qui
leur permet de puiser aux fins fonds des possibilités techniques
de leurs instruments mais surtout leur parfaite entente.
Ils sont à l'écoute les des autres et nombreux sont
les regards échangés.
Un concert tout à fait exceptionnel, mais qui laisse un
arrière gout de pas assez et donc une envie de les revoir
très vite !
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