Je les trouve encore trop rares les écrivains qui se penchent sur le destin de l’Asie, Karine Lebert en est. Elle est à l’origine journaliste d’architecture et de décoration intérieure, un genre de Valérie Damidot, ou une dénicheuse de meubles hors de prix mis en scène dans les magazines féminins. Elle signe ici La Dame de Saïgon.
C’était avant, avant les Grandes Guerres qui ont déchiré le monde, quand il était encore envisageable de tout vendre pour tenter sa chance dans des contrées inexplorées. Si, le pari est encore envisageable, mais ce n’est pas pareil. C’était avant. Quand l’Indochine était encore française. Marianne a 11 ans, son père a vendu la ferme Normande pour emmener tout son monde en Indochine.
Le roman commence sur les quais de Saïgon, Marianne serre la main de son frère et livre ses premières impressions, ses inquiétudes, ses questionnements. Sa famille est clairement partagée en deux camps : les séduits et ceux qui ne le sont pas. Après une traversée interminable, les Frémont sont en piteux état, et pour pimenter le tout, vous l’aurez compris : ce n’est pas gagné.
Le père décide d’acheter une exploitation, qui ne va pas bien fonctionner, son fils aîné (le curé) va tenir l’autel plus loin (un soutien de moins), les deux autres sont encore jeunes et trop enthousiastes de l’avis de la grande sœur, surtout de la mère qui dépérit de jour en jour.
Les années passent, Marianne se marie avec un autochtone, elle doit fuir non seulement sa famille, mais également le racisme des habitants et la honte causée à "son peuple". Oui, ça craint, mais au XXIème siècle aussi, même si les bébés métisses sont les plus beaux, les mariages mixtes font toujours un peu pincer du menton certains obtus…
Malgré les hauts et les bas que connaît la famille Frémont, ils se rendent compte tardivement que leur pays est maintenant l’Indochine, mais les habitants réclament l’indépendance de leur patrie (le futur Vietnam), faisant entrer la politique dans les soucis.
Karine Lebert a la plume passé simple, tout le texte est écrit à l’imparfait et aux temps du passé lointain, ce qui rend certains passages laborieux. Ajoutez à ça des tournures de phrases longues et pas mal de descriptions, la lecture passe vite de lente à longue. Mais il fallait bien ça pour décrire la moiteur de l’air, les tensions qui flottent, les douleurs qui courbent.
Si vous avez envie de mieux connaître ceux qui ont vécu 14-18 de loin, ceux qui ont eu le courage (voire l’insouciance) de tenter l’aventure, ceux qui ont appris à aimer un pays a priori hostile, ceux qui vont toujours de l’avant, coûte que coûte, vous aimerez La Dame de Saïgon pour le destin hors du commun de ses personnages. |