Pour sa première incursion dans le genre du polar, le romancier Pascal Marmet invite à une belle immersion parisienne, côté Rive Gauche, entre la Gare de Lyon, le quai Branly et le quai Conti. à la faveur du meurtre de la veuve joyeuse d'un ancien préfet récemment assassiné et du vol d'objets d'art primitif placés sous le signe de l'envoûtement.

Et en face, entre le quai des Orfèvres et le Pont Neuf, dans une rue du vieux Paris historique, la rue Baillet, les deux balises du commandant Chanel à qui échoit l'enquête.

Car l'opus destiné, au terme d'une alléchante bande-annonce résumant parfaitement le cadre de l'intrigue, à en faire voir de toutes les couleurs au lecteur s'inscrit dans le registre classique du roman d'enquête.

De plus, il est placé sous l'égide des grands maîtres du policier que sont Léo Malet, pour la restitution de l'atmosphère "sociologique" des lieux, et Georges Simenon pour la figure du personnage central, le commandant Chanel, dont l''originalité tient justement à son manque d'originalité, à sa "normalité", au regard de la personnalité atypique de l'enquêteur - marginal, borderline, franc-tireur ou dépressif - affectionné par les auteurs contemporains.

Celui-ci, homme d'expérience tiré à quatre épingles au sens propre comme au sens figuré, la presque soixantaine élégante, pratique son métier dans le strict respect des règles de procédure pénale, ce qui ne le dispense pas d'user de l'intuition, une méthode - "le style Chanel" - qui porte ses fruits puisqu'il dirige la plus performante équipe de la Brigade criminelle. Et surtout, il se targue de discrétion, car "aimait être apprécié mais surtout ignoré de sa hiérarchie".

L'écriture de Pascal Marlet, comme le titrage des chapitres courts, est efficace et l'intérêt de ce roman policier de bonne facture réside moins dans l'enquête policière, qui se déroule de manière linéaire, et le contexte, celui d'une sordide crapulerie qui ne connaît pas les frontières de classes gravitant autour d'une femme fatale qui se parfume à l"'Heure bleue" de Guerlain, que par les singularités collatérales d'une enquête inhabituelle qui officie à la manière de scène de révélation sur le psychisme du personnage central.

Une enquête inhabituelle, en effet, d'une part, parce que le commandant Chanel se voit imposer en stage des "endives", deux femmes élèves-commissaire qui, par leur implication, vont l'amener à réviser son postulat machiste, et, d'autre part, parce qu'il va croiser le chemin de Peter et Clochette, deux jeunes marginaux, un Peter Pan en baskets vertes et une drôle de fée à l'allure de punkette, qui vont bouleverser ses certitudes de vieux solitaire sans attache.

Avec cette figure de héros récurrent, ce roman laisse donc augurer d'une suite possible. A moins que le commandant Chanel, par ailleurs musicien, pianiste et joueur de thérémine, ne décide de cultiver son jardin.