On dirait Nino. On chanterait Nino. Tribute à Nino Ferrer qui a le mérite de donner un regain d'actualité à un auteur-compositeur-interprète atypique qui a sévi pendant les années yé-yé.
Certes c'est se remémorer, comme chantait Aznavour dans "La bohême" un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître mais Nino Ferrer n'en a pas moins écrit des chansons qui n'ont pas subi l'usure du temps D'où une furieuse envie d'écouter les albums originaux. .
Car Nino Ferrer, dont le "Y'a le téléfon qui son" est passé dans le langage populaire, n'est pas le dernier venu exhumé d'une période prolifique, du pire comme du meilleur. 15 albums à son actif, dont 10 entre 1967 et 1980, et bon nombre de pépites, les siennes, écrites avec l'encre de sa vie et qui, force est de s'en apercevoir ici avec ces reprises, ne sont pas forcément à la portée de tout à chacun. .
Personnage hors des sentiers battus, Nino Ferrer gai, Nino Ferrer triste qui chantait "Les cornichons" pour ne pas pleurer et des textes déjantés à la manière de Dutronc, joli travail sur les mots et les consonnances comme les mélodies poético-nostalgiques ("La maison près de la fontaine") et les chansons noires ("Rondeau") mais toujours sur des mélodies et des rythmes imparables. .
La reprise, comme tout remake, est un challenge, et l'écoute de ces 15 titres montre les limites de l'exercice.
Parfois, même famille peut être, le choix des titres semble bien coller à la personnalité musicale du chanteur. .
Ainsi en est-il par exemple pour J.P. Nataf avec le mythique "Oh! Hé ! Hein ! Bon !" qui part en vrille pop , Fabien Martin qui reprend "Riz complet" ("Je m'ennuie, je voudrais faire autre chose de ma vie/Il n'y a pas d'échappatoire du mauvais côté de la barrière/Vivre d'amour, de musique et de riz complet quelque part où ce serait bien vert") ou pour Miossec avec "Chanson pour Nathalie" ("La vie c'est comme de l'eau qui coule d'une fontaine/Mais elle n'a pas eu le temps de boire la sienne la petite Nathalie lointaine") .
Qui d'autre aussi, en effet, que Daniel Darc, le ressuscité, pouvait interpréter le désespéré "Rondeau" ("Je suis le noyé vagabond, le jour de l'An, Noël m'emmènent/Au fil de l'eau mes jours s'en vont un jour un autre et la semaine"). .
Alors bien sûr, -M- fait du –M- en "Vendeur de robes", on retrouve à l'envi dans "Le sud" les trémolos hallydo-gainsbouriens de Bashung et la mandoline pop sucre d'orge pour de Vénus "The south". .
Deux versions aussi pour "La rua Madeira". Celle déclinée par Cali au tempo extrêmement lent est un peu languissante face à la bossa à la manière de Pierre Barouh d'Autour de Lucie. .
Du côté des voix féminines, ça balance pour La Grande Sophie qui avec "Je veux être noir" flirte avec un rock de bon aloi et Héléna nous gratifie d'un inopiné "Téléfon" particulièrement sensuel. .
Et puis, l'exceptionnelle slavo-rock-punk "Mirza" d'Arno et l'italienne, "Un anno d'amore"* par Fabio Viscogliosi dans laquelle on retrouve toute la douceur tendre-amère et mélancolique des fins de bals des bords de mer italiens et qui fait penser au beau Marcello errant sur la plage dans "Huit et demie" de Fellini ("E di notte/Per non sentirti solo/Ricorderai/I tuoi giorni felici,/Ricorderai/Tutti quanti i miei baci").
*A noter que cette dernière n'a pas été écrite par Nino Ferrer. Elle figure sur son album Che fine ha fatto Nino Ferrer qui constituait une compilation de chansons italiennes.
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