Spectacle de la Compagnie Vous êtes ici, mis en scène par Julien Villa, avec Vincent Arot, Laurent Barbot, Nicolas Giret-Famin, Clémence Jeanguillaume, Amandine Pudlo et Noémie Zurletti.
Pour sa première création, la Compagnie Vous êtes ici a opté, sous l'impulsion d'un de ses fondateurs, Julien Villa, qui officie à la mise en scène, pour le registre de la comédie burlesque ordonnée autour des thématiques du capitalisme américain, de la situation des afro-américains des années 1960 et de l'american way of life.
Celles-ci se déclinent à travers une famille atypique et, en l'occurrence, fictionnalisée, celle de Berry Gordy, le fondateur du célèbre et fameux label Motown, et premier entrepreneur noir millionnaire.
Car à Motortown, surnom de la ville Détroit devenue la capitale mondiale de la production automobile avec les firmes américaines General Motors, Ford et Chrysler et creuset déflagratoire des revendications anti-ségrégationnistes, face aux différentes alternatives, nationalisme noir/afrocentrisme/réformisme, Gordy a choisi une autre voie.
Celle du capitalisme noir, qui répond à l'antienne "J'ai dans mon coeur un General Motors" de son "american dream personnel", en appliquant les règles du capitalisme à la production musicale avec, en tête de gondole, et notamment, Diana Ross, Marvin Gaye, Stevie Wonder et The Jackson Five.
La note d'intention, qui évoque notamment un travail réflexif sur la reproductibilité technique de l'art, la financiarisation, l'opposition des "porcs" blancs et des "motherfuckers" noirs, la décolonisation et les colonisés de l'intérieur et le traitement commedia dell'arte, est alléchante.
Mais, en l'espèce, comme en matière d'art conceptuel où la démarche intellectuelle est plus convaincante que l'objet artistique qui en découle, le spectacle résultant d'une création collective, qui comprend de nombreuses fulgurances, insuffisamment soutenu par l'écriture de plateau, connaît un pesant "ventre mou" après une entrée en matière survitaminée.
Dans un décor, désormais récurrent, d'accumulation vintage pour un plateau qui finira dévasté, scénographie signée Sarah Jacquemot-Fuimani, le spectacle évoque, avec sa famille parodique, le film "Hairspray" de John Waters transposé au théâtre par la Compagnie du Zerep.
Sur scène, le sextet composé de Vincent Arot, Laurent Barbot, Nicolas Giret-Famin, Clémence Jeanguillaume, Amandine Pudlo et Noémie Zurletti ne démérite pas même si, positionné dans la performance sous haute tension, sa belle énergie iconoclaste se consume prématurément en raison sans doute d'un format qui n'aurait pas pâti à être resserré.
Mention spéciale pour Nicolas Giret-Famin à l'abattage soutenu de meneur de jeu et, quasiment, de revue, dans le rôle de Gordy, Amandine Pudlo en desesperate housewive hystérique et Vincent Arot qui mouille son maillot dans un impressionnant costume de bibendum pour camper l'archétype civilisationnel de l'adolescente obèse. |