Comédie dramatique de Hedi Tillette de Clermont Tonnerre, mise en scène de Sarah Tick, avec Clémence Azincourt, Matthieu Boccaren, Julie Brochen, Pierre-Antoine Billon, Laura Chetrit, Thomas Matalou, Raouf Rais, Nelson-Raphaël Madel et Caroline Stella.
Sarah Tick, qui a déjà mis en scène "Pourquoi mes frères et moi on est parti" de Hedi Tillette de Clermont Tonnerre présente "Peur(s)" un work in progress autour d'un de ses opus en cours d'écriture.
Inscrit dans le registre du théâtre documentaire réflexif, il est initié par un fait réel, celui de la détention au camp militaire de Guantanamo de six hommes, dont Lakhdar Boumediene ressortissant bosniaque d'origine algérienne, soupçonnés de relations avec l'organisation terroriste islamiste Al-Qaïda et de projeter un attentat contre l’ambassade des Etats Unis à Sarajevo, dont le caractère illégal a été reconnu en 2009 par la Cour suprême.
Il s'articule autour de la thématique de la peur qui régirait le monde, tant au niveau individuel des relations humaines que sociétal au plan des rapports interétatiques, selon l'analyse du philosophe anglais du 17ème siècle Thomas Hobbes.
En la forme, celle d'une dramaturgie éclatée combinant récits imbriqués, bribes de scènes dialoguées, soliloques et proférations à l'adresse du public et s'affranchissant de la linéarité chronologique, la partition met en abyme et en résonance une myriade d'événements historiques de l'affaire Dreyfus au terrorisme contemporain en passant, entre autres, par l'internement des américains d'origine japonaise comme mesure de précaution après l'attaque de Pearl Harbour.
Il brasse et corrèle de nombreuses thématiques telles la justice, le renversement de la présomption d'innocence en culpabilité potentielle, le principe de précaution, la force de dissuasion, l'altérité placée sous le signe de la méfiance et de la peur, constituant des pièces puzzléiques à assembler sur le mode de la photo-mosaïque, autour du parcours croisé de deux hommes, l'avocat américain Stephen Oleskey et Lakhdar Boumediene, qui en constitue le fil rouge.
Sarah Tick a opté pour une scénographie minimaliste conçue par Charlotte Bovy, un rideau de grillage pour signifier le dehors/dedans et un écran de tulle pour les projections vidéo, une mise en scène misant sur la fluidité et l'enchaînement rapide des fragments textuels et le choix de la dépersonnalisation avec l'interchangeabilité des neuf comédiens qui interprètent une multitude de personnages même si certains reviennent de manière récurrente et identifiable comme Raouf Rais (le prisonnier), Thomas Matalou (l'avocat) et Clémence Azincourt (la femme qu'il aime).
A ce stade d'avancement du projet, il s'avère prématuré de tirer des conclusions sur le coeur de cible qui pourrait être notamment la défaite de la démocratie garante des droits fondamentaux. Cela étant, Sarah Tick présente d'ores et déjà un travail conséquent et convaincant. Donc à suivre. |