Comédie dramatique de Jean-Claude Brisville interprétée par Daniel Mesguich et William Mesguich.
Gros succès théâtral et cinématographique des années 1990, "Le Souper" a suscité l'écriture de bien des pièces qui, à son exemple, réunissaient deux personnages "historiques". Dès lors, on pouvait se demander si l'oeuvre de Jean-Claude Brisville n'allait pas pâtir d'une formule désormais utilisée très, voire trop souvent sur les plateaux de théâtre. En quelques secondes, la très belle version proposée par William et Daniel Mesguich rassurera les inquiets : non seulement, "Le Souper" tient le coup, mais il est grâce à des interprètes de cette grande qualité très près d'être en passe de devenir une œuvre intemporelle qui va rester dans la mémoire collective. On connaît le point de départ du "Souper". On est en 1815, Napoléon est vaincu définitivement, et deux des principaux personnages de son régime, qui ne se portent pas dans leur cœur, que tout oppose socialement, mais que leurs intérêts rassemblent et qui se ressemblent "humainement", vont de concert tenter de trouver un avenir à la France vaincue tout en sauvant leur peau et leur position. Sur ce ring où les chandelles comme les coups sont mouchetées, le prince de Talleyrand-Périgord (Daniel Mesguich) affronte avec suavité le fraîchement duc d'Otrante, plus connu sous le nom de Joseph Fouché (William Mesguich) dont la poigne sanguinaire et le verbe brutal ont fait de lui le "premier flic de France", La suite donne lieu à un souper d'anthologie auquel le spectateur assiste en gourmet, peut-être un peu marri de ne point partager les mets succulents que le "Diable boiteux" a fait concocter pour l'homme le mieux renseigné de France. Jean-Claude Brisville donne à écouter un texte d'une grande intelligence, qui sait distiller les bons mots historiques, mais sans gaver son auditeur, et dont le fumet parvient au nez d'un public qui sera, à juste titre, flatté de tout comprendre des tenants et des aboutissants de la haute politique et de ses basses œuvres. Cette leçon brillantissime ne vaudra pourtant pas un fromage, absent du menu, mais s'achèvera sur un cognac de grand âge, fort nécessaire pour revigorer une France une nouvelle fois en déroute. Ce théâtre de têtes a l'avantage de fournir un divertissement inégalé. Qu'importe si certains trouveront l'ensemble frivole. Cette légèreté est synonyme d'une agréable soirée pendant laquelle on reprendra goût aux images d'Epinal de l'Histoire de France dans un beau duel qu'auraient salué, on peut l'affirmer sans problème, deux experts en la matière : Alexandre Dumas et Sacha Guitry. C'est dire.
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