Réalisé par Caroline Poggi et Jonathan Vinel. France. Drame. 1h37 (Sortie le 1er mai 2019). Avec Aomi Muyock, Sebastian Urzendowsky, Augustin Raguenet, Eddy Suiveng, Lukas Ionesco, Maya Coline, Paul Hamy et Angelina Woreth.
Qui a dit que le cinéma français était moribond et moisi avec ses fictions cannoises ou césarisées plan-plan et le retour épouvantable des "sujets de société" genre "Jusqu'à la garde" ?
Loin du bruit médiatique, de jeunes gens audacieux construisent ce qui finira bien par devenir le cinéma de demain. On pense à Virgil Vernier avec "Mercuriales" ou "Sophia Antipolis", Arthur Harari avec "Diamant noir", Clément Schneider avec "Un violent désir de bonheur" et bientôt Romain Cogitore avec "L'autre continent".
Se joint maintenant à cette petite troupe de francs-tireurs, un couple, Caroline Poggi et Jonathan Vinel. Leur premier long métrage, "Jessica forever" est à lui seul un manifeste et porte un souffle d'espoir d'une pureté cristalline.
Il suffit de voir les yeux bleus intenses de Jessica, d'entendre son accent indéfinissablement suisse quand elle chuchote un mot consolateur à l'un des enfants perdus qu'elle a pris sous son aile, pour comprendre qu'on est loin de Desplechin ou de Bonnello.
Habillée en héroïne de jeux vidéos ou de membre d'un Raid rebelle, Aomi Muyock pourrait être une princesse de "Game of Thrones". Elle a préféré s'occuper des grands ados perdus dans la violence, les sauver de l'enfer pavillonnaire et des drones post-macroniens qui s'acharnent sur tous les dissidents.
La petite troupe qui l'entoure a tout d'un groupe paramilitaire qui s'apprêterait à rejoindre un terrain où l'on pratique le paintball. Mais la menace qui les rassemble, les fait fuir inlassablement une société, dont on ne verra aucun membre mais seulement des décors institutionnels représentatifs, est réelle.
"Jessica forever" de Caroline Poggi et Jonathan Vinel décrit un monde futur, d'un futur qui n'a que quelques dizaines de mois d'avance sur le monde qui a cours aujourd'hui. La mystérieuse Jessica essaie de colmater les plaies des âmes qui ont refusé le vide existentiel dans lequel elles baignent. Elle a pris au mot le mot "jeu" : elle propose à ses enfants malades, qui ont souvent son âge, non pas des jeux d'adultes (guerre ou sexe sans amour) mais des jeux d'enfants avec force sucreries et doudous comme récompenses...
Effectivement, c'est un monde doux, un cocon d'amour comme ils auraient dû en recevoir de leurs parents pendant leur jeunesse à peine terminée, qu'elle leur offre. Ils ont beau ressembler aux "Expendables", cette association de crétins réunissant tous les super-mâles du cinéma américain, ils n'en sont que la réplique inversée. Faits peut-être pour faire la guerre, Jessica leur propose de se préparer à donner de l'amour...
"Jessica forever" de Caroline Poggi et Jonathan Vinel ne ressemble à aucun autre film. S'il recycle avec bonheur des éléments épars pris ici ou là, il peut hautement se revendiquer comme prototype qui sera inévitablement copié.
Ce qui ne sera pas copier, on en est sûr, c'est son énergie, sa capacité à raconter une bonne dizaine de destins à l'aide d'acteurs tous emblématiques, solides et parfaitement dirigés et dessinés.
Comme eux, il faut vaincre ses appréhensions : Jessica accueille tout le monde. Elle est le baume universel qui manquait au cinéma français.
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