Jean-Baptiste est un vieil ami. De ceux qui ne donnent pas souvent de leurs nouvelles et de toute façon jamais assez.
Il vous tourne le dos sans crier gare et réapparaît 1 mois, 6 mois ou 2 ans plus tard comme si de rien n'était, avec des tas de choses passionnantes à raconter. Il est temps alors de sortir une bonne bouteille et de se nourrir de ses récits jusqu'au signal de départ redouté mais inévitable.
C'est qu'il n'est pas du genre pantoufles télé notre Jean-Baptiste. Adamsberg pour les intimes et pour ceux qui regardent ce drôle de gars d'un peu trop haut.
Hors donc, voici Jean-Baptiste, revenu de deux années passées ici où là, et des trucs à nous raconter il en a, de sa voix lente et envoutante. On s'installe et c'est parti.
Rendez-vous compte, des pieds dans des chaussures qui veulent entrer dans un cimetière, ce n'est pas tous les jours !
Dans ce nouveau roman de Fred Vargas, il semble que les personnages sont plus vivants que jamais, plus tangibles, plus incarnés. Aucun risque que cela soit dû au simple fait que deux films soient récemment sortis au cinéma et à la télévision adaptés des aventures du commissaire car je n'ai vu aucun des deux, m'empêchant toute interprétation personnelle et je suis certain que son auteur n'est pas genre à se laisser influencer par ce genre de broutille.
Dès le début de Un Lieu Incertain, on sent que la plume est fluide, le ton Vargas est là et bien là et on se rend rapidement compte, si besoin était, que l'on est bien au-delà du simple roman policier. Avec son air de ne jamais être là, le commissaire déborde de bon sens et de bons sentiments. Pour la première fois, ou presque, il donnera même son avis sur la politique concernant la gestion des flux migratoires en Europe. Adamsberg est en fait un justicier et, comme les super-héros, il se cache derrière son déguisement de pelleteur de nuages.
Toujours ailleurs mais toujours bienveillant et comme eux, il a sa cohorte d'ennemis et ce nouvel épisode de ses aventures ne déroge pas à la règle. Car depuis notamment Sous le vent de Neptune, Jean-Baptiste n'a plus seulement ses enquêtes à résoudre mais se doit de se défendre de moults complots ourdis contre lui.
Heureusement, Danglard sera une fois de plus son fidèle "Robin" et Rétancourt toujours de l'aventure !
Malmené donc, aux frontières du fantastique, c'est assurément un tournant pour Adamsberg et pour Vargas, à moins que tout cela ne soit pas si surnaturel que cela, après tout, dans cette histoire de vampires.
Quoi qu'il en soit, le talent de Fred Vargas n'est plus à prouver et Un Lieu Incertain est un petit chef d'oeuvre de roman policier, de tranches de vie, d'humour noir (on retrouve notamment parsemée dans ce roman, la verve de Critique de l'anxiété pure et de Petit traité de toutes vérités sur l'existence).
Jubilatoire, émouvant, captivant, ce roman est encore une fois une réussite.
Comme quoi tous les livres à gros tirages ne sont pas à jeter, le succès populaire de Vargas est bien réel, le succès critique aussi !
Il ne reste plus qu'à espérer une suite rapide ou peut-être un troisième traité sur les flux migratoires ?
Un Lieu Incertain est une histoire qui a du charme et du chien, inconditionnellement délicieuse ! |