Réalisé
par Marian Crisan. France-Roumanie-Hongrie. Drame.
Durée : 1h40. (Sortie 2 février 2011). Avec Andras Hathazi, Ylmaz Yalcin, Elvira Rîmbu.
Il y a de fortes chances que le thème des migrants, des sans papiers, des clandestins qui cherchent la Terre Promise économique ou politique à l’intérieur de la forteresse de l’Europe des 27 devienne l’un des sujets tarte à la crème du cinéma des années 2010.
Jusqu’à maintenant, comme dans "Welcome" de Philippe Lioret, on a surtout vu ce qui se passait dans les pays majeurs de l’Union européenne et l’on s’est intéressé à la confrontation des "nantis" avec cette nouvelle misère mondialisée.
L’originalité de "Morgen" est donc de montrer comment se vit le problème des immigrés clandestins dans un pays dit pauvre de l’Union, de surcroît récemment entré dans l’espace Schengen.
Attention, Marian Crisan ne mène pas une enquête journalistique à la frontière hongro-roumaine. Il préfère suivre les pas maladroits de Nelu, un gros bonhomme plein d’humanité parti pêcher la carpe en side-car et qui revient chez lui sans avoir pris de poissons mais avec un clandestin turc abandonné en pleine campagne par des passeurs indélicats.
Ici pas question de longs discours. D’ailleurs, Nelu est peu loquace et laissera "son" Turc, bien plus bavard, s’exprimer dans sa langue sans jamais chercher à comprendre le sens de ses paroles. Vigile d’opérette dans une supérette qui résume l’état de développement capitaliste de la Roumanie post-Ceaucescu, Nelu doit refaire la toiture de sa maison et Behran tombe finalement bien. Il sera d’une aide efficace et ses quelques centaines d’euros pas inutiles pour que Nelu se rachète un nouveau moulinet pour sa canne à pêche.
Pas question non plus de prendre les choses au tragique. S’il ne devait pas rejoindre sa famille en Allemagne, Behran pourrait s’intégrer dans cette petite communauté rurale roumaine... en se faisant passer pour un Rom.
Déminant constamment la gravité de son sujet, en décrivant avec beaucoup de chaleur des personnages plutôt bienveillants, même quand ils portent des uniformes, Crisan retrouve un ton commun à certains films de l’Est socialiste d’antan. On pense aux comédies de Jiri Menzel, ou aux premiers films géorgiens d’Otar Iosseliani. En se forçant un peu, on pourra aussi trouver une parenté roumaine avec le cinéma finlandais d’Aki Kaurismaki, ce qui ne devrait pas réjouir tant que ça les tenants d’une uniformisation européenne par la souffrance des exclus...
Quoi qu’il en soit, on n’oubliera pas le tandem au-delà de l’improbable formé par ces deux compères. Qu’une connivence naisse entre un Roumain et un Turc, c’est peut-être une vue de cinéaste ou de scénariste. Pourtant, on croit ou l’on veut croire en cette amitié et l’on espère que ce message humaniste, énoncé par quelqu’un qui a l’immense mérite de ne pas réciter une leçon, aura l’écho qu’il mérite. |