Aucun excuse pour le passionné comme pour l'amateur de flore et de science horticole pour se dispenser de la 20ème édition du Festival International des jardins qui se déroule d'avril à octobre au Domaine de Chaumont-sur-Loire, car chaque année, la thématique choisie entraîne une novation radicale.
Ainsi, par exemple, après l'explosion chromatique des "Jardins de couleur" de l'édition 2009 consacrée au symbolisme et au pouvoir émotionnel de la couleur, l'édition 2010, abordait avec "Jardins corps et âme" l'horticulture sous un angle très différent, celui de la réflexion métaphysique et de la thérapeutique.
Celle de l'année 2011 est placée sous un thème d'actualité, un thème citoyen et militant, celui de la biodiversité, composante essentielle du concept de développement durable mis en oeuvre pour faire face à la crise écologique mondiale, qui a inspiré
plus d'une vingtaine de "Jardins d'avenir". Toutefois, ainsi que l'indique, dans l'interview qu'elle nous a accordé, Chantal Colleu-Dumont, directrice du Domaine Régional de Chaumont-sur-Loire, il s'agit d'une approche différente, souvent culpabilisante, de celle des politiques et des scientifiques, puisqu'elle est celle
d'artistes, designers, botanistes et architectes-paysagistes qui célèbrent "l'art de la biodiversité heureuse" c'est-à-dire, avant tout, la nature pour qu'elle soit préservée.
Ce thème a donc fort diversement inspiré les postulants et trois tendances caractérisent les jardins sélectionnés.
Le jardin en ville
Si le retour à la terre n'est plus vraiment dans l'air du temps et si la vie à la campagne rime souvent, voire exclusivement, avec week end dans une bucolique résidence secondaire, en revanche, les balcons et terrasses, et même les rebords de fenêtres, des immeubles urbains aspirent aux bienfaits de la verdure fleurie ou aromatique, voir parfois potagère.
Plusieurs jardins plaident donc en faveur de l'importation du jardin en milieu urbain. Ainsi, avec un titre en forme de clin d'oeil à notre ancêtre Lucy, "Lucy in the sky" des français Chilpéric de Boiscuille, Rapahaëlle Chere, Pauline Szwed et Benjamin Haupais invite le visiteur à voir au delà de la porte d'ascenseur pour grimper au dernière étage sur une terrasse plantée.
Dans le même esprit, Pragmatiques, les anglais Steve Papps, Jo Chapman et Jackie Bennett, proposent "Le jardin à emporter" : un simple sac avec un seul arbre ou quelques plantes suffit à
Pour les français Julien Maieli et Germain Bourré, la nature doit également investir les espaces publics.
Dans "Le jardin à la rue", les trottoirs sont pelousés et intègrent des plantes aquatiques qui filtrent et purifient les eaux de ruissellement et les lampadaires voltaïques prennent la forme de baobab
Quant à leur compatriotes Soline Portmann, Auyrélie Zita et Mioko Tanaka, ils n'hésitent pas à rappeler, avec optimisme et "La nature des choses", que la nature sauvage et désordonnée est volontaire et déterminée et qu'elle reprendra ses droits même dans un habitat sous contrôle.
Le jardin militant
Quatre jardins retiennent particulièrement l'attention car ils s'inscrivent dans une démarche réflexives explicites.
Avec "Manier avec précaution", les néerlandais Jeroen et Maarten Jacobs usent d'une métaphore médicale radicale.
Arbres sous perfusion, plantes harnachées de béquilles et matériel déambulatoire rappellent que la nature est en danger et que toute la flore n'en sortira pas indemne.
Les françaises Cathy Viviès et Vanessa Farbos leur emboîtent le pas avec "L'envers du décor" où le jardin survivant est placé sous bulle.
Message que relaient de manière tout aussi violente les
français Denis Valette et Olivier Barthélémy avec
"Le jardin des plantes disparues" ordonné comme un cimetière militaire.
Après, il ne restera plus que des traces et des collection de graines disparues conservées dans "La bibliothèque du souvenir" de leurs compatriotes Gaëtan Macquet, Oreline Tixier et Pierre-Albert Labarrière qui, pour aussi belle qu'elle soit, constitue un bien triste mausolée.
Dessine-moi un jardin qui raconte une histoire
La première histoire est celle d'une nouvelle genèse avec le jardin des français Méryl Fanien, Philippe Guillemet et Cyrille Parlat, intitulé "Le laboratoire", qui raconte le miracle d'un Noé horticulteur qui va reconstituer le monde dévasté.
Peut-être "Madame Irma - prédictions en tous genres" accompagnée de sa roulotte rutilante, convoquée par Emmie Nyck, Gladys Griffault, Pascale Touillet et Clara Juncker, avait-elle prévu une telle issue.
Tout comme
Sandra Dufour, Simon Viscontin et Manon Bordet-Chavannes qui proposent un jardin ludique ("Célébrons et tissons la biodiversité").
Les nord-américaines Yekaterina Yushmanova et Ruth Currey célèbrent "Le pollen exubérant", source de l'infini des possibles, et les françaises Anne Blouin et Alessandra Blotto créent un jardin pour un voyage au centre de la terre ("La transparence du ver").
De nombreux autres jardins sensibles ou festifs vous attendent.
Le Festival des Jardins donne également l'occasion de découvrir les nouveautés proposées par le Domaine de Chaumont-sur-Loire telles que la yourte de la biodiversité et la prairie des abeilles mais également de découvrir les richesses du potager biologique, les merveilles de la flore au jardin ornemental ainsi que, pour la faune, le corridor des oiseaux et le jardin des insectes.
Et puis, pour ceux qui peuvent s'attarder dans le lieu, une visite nocturne, à la lueur de diodes électroluminescentes, permet de voir les jardins sous un éclairage inhabituel tous les soirs, sauf le vendredi, du 1er juillet au 31 août 2011.
Enfin, la visite du parc du domaine est bien évidemment incontournable par sa magnificence d'autant que, comme le Festival des Jardins, il vient d'obtenir le label "Jardins Remarquables" et que ses cèdres exceptionnels ont été classés "Arbres remarquables".
Du parc au château il n'y a qu'un pas à franchir d'autant plus allégrement que les deux sont dépositaires des oeuvres des artistes invités en 2011 par le Centre Arts et Nature. |