Monologue dramatique d'après le roman éponyme de Diderot interprété par Marie-Laure Crochant dans une mise en scène de Anne Théron.
Le fameux roman-mémoires sulfureux de Diderot est actuellement présenté au Monfort. Charge lourde contre l'Eglise, écrite à la veille de la Révolution par un athée porte-flambeau des "Lumières", "La religieuse" s'inspire d'une histoire vraie ou plutôt d'un fait-divers.
La jeune Suzanne, bâtarde d'une mère qui souffre de sa faute, est recluse de force dans un couvent pour l'expier et préparer le ciel de la vraie pécheresse. Injustice folle. La pauvre fille aura beau se débattre, démontrer qu'elle n'a pas donné son consentement, le piège s'est définitivement refermé sur elle.
Ballotée de couvent en couvent, elle subira les assauts de méchantes Supérieures, cruelles, démentes, saphistes, figures habituelles des pamphlets anti-catholiques ou simplement libertins.
Mais, Diable, quelle belle écriture !
Anne Théron, associée à "Denis" Diderot (touchantes fiançailles de Denis et Anne, sur le programme) a imaginé une mise en scène très originale, axée sur la dénonciation de l'enfermement et gommant la dimension spirituelle du drame.
Suzanne, croyante, devient une internée d'office. On garde Dieu comme directeur général de l'asile. Choix. Parti pris. Réduction voulue et assumée par le choix de musiques exotiques ou ultra-contemporaines, parfois assourdissantes et vaines, qui nient le contexte et surtout chassent le silence, le vrai décor du couvent.
Marie-Laure Crochant est cette "religieuse" là. Sportive, masculine, tondue, physique, éructant, formidablement présente et indignée, la rage au ventre, portant tout le spectacle, hurlant comme un chat sauvage enfermé dans un sac.
Ses accents sont inoubliables, sa sincérité absolue et son phrasé, qui énervera une moitié du cerveau pour troubler l'autre (il en sera peut-être de même du public) ne ressemble à rien d'autre. Le choix de cette femme pour cette mise en scène est indiscutable.
Les effets de rideau sont beaux mais trop répétitifs. On se lasse de ce parachute ascensionnel. Le dernier tiers du spectacle apporte une certaine lassitude, causée par l'abus des froissements. Il y a même un petit côté daté et province, vu à "Avignon 1970". *
C'est toutefois un spectacle bigrement original et signé, audacieux, un voyage intérieur soutenu et insoutenable, qui marquera les esprits. Même parfois...religieux ?
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