Notes
de lecture - Charlotte Rampling lit des extraits
de" la chute de la maison Usher" et "le masque de la mort rouge"
d'Edgar Allan Poe - Musique de JS Bach et A Caplet
Dire des textes littéraires, qu'ils soient en vers ou en prose, est
un exercice difficile qui implique, outre la symbiose entre la pensée
intime du récitant et celle de l'auteur, un art consommé du
théatre. Il n'est qu'à voir, et entendre, Laurent Terzieff actuellement
dans Florilège pour constater la nécessité d'un vrai
travail sur le texte et sur sa mise en scène dès lors qu'a priori
il n'était pas destiné à être dit. Terzieff aime,
vit et nourrit les textes qu'il nous livre et dès qu'il capte l'attention
de son auditoire, il ne la lâche plus.
Dans un style tout à fait différent, c'est à juste titre
que la prestation de Fabrice Lucchini, passé maître dans l'art
du cabotinage à la manière de Louis Jouvet (même si ce
à la manière de revêt un caractère injustement
péjoratif) disant Céline ou La Fontaine a été
saluée tant par la critique que par le public.
La lecture à voix haute des textes est tout aussi périlleux
même si par définition l'officient a le secours du texte écrit
et il est dangereux de sous estimer l'entreprise.
Cela étant, il y a, actuellement, un certain engouement pour les lectures,
et le Théatre Edouard VII propose, certains lundis de relâche,
des Notes de lecture ou "Quand la lecture rencontre la musique"
et a sollicité des comédiens célèbres, essentiellement,
des comédiens de cinéma.
Ce lundi 26 mai, le théatre accueillait Charlotte Rampling qui, comme
l'annonce le petit opuscule délivré à l'entrée
de la salle, a accepté de monter sur les planches pour la première
fois parce qu'elle aime se mettre en danger. Et pour se faire, celle pour
qui le français n'est pas la maternelle lira des Edgar Allan Poe avec
pour la partie musicale des œuvres de Bach et …André Caplet
(celui qui, toujours selon le petit opuscule, aurait réussi là
où Debussy a échoué).
Et bien ce fut la déception intégrale encore que le terme soit
inapproprié.
En effet, l'annonce de cette affiche pouvait laisser perplexe. Si le talent
cinématographique de Charlotte Rampling n'est pas mis en doute, son
inexpérience théatrale, sa personnalité et son phrasé
singuliers semblaient constituer des élèments peu en adéquation
avec la lecture des contes fantastiques de Poe.
Assise, immobile, Charlotte Rampling n'a échappé à aucun
des pièges de l'exercice : bafouillages, mots tronqués ou manquants,
erreur de grammaire ou d'accords, et quelques perles dues à la prononciation
en anglais de certains mots tels voir sa face qui est devenu voir sa fesse
!
Et puis, les rares dialogues énoncés avec des trémolos
à la façon d'André Malraux étaient à la
limite du supportable.
Quant à la musique, si on pouvait comprendre qu'elle intervienne en
fond sonore, le parti pris de jouer les morceaux en intermèdes cassaient
le rythme et la tension des textes. Par ailleurs, elle était inadaptée
surtout pour la seconde partie relative au Masque de la mort rouge, même
si elle a été composée pour ce texte par un créateur
quasi inconnu (Caplet).
Bien sûr, les applaudissements ont été chaleureux et
prolongés mais cette prestation ne les méritait pas. Nous n'étions
pas à la remise d'un César d'honneur pour récompenser
une carrière ! Ses origines anglaises ou ses débuts sur la scène
devaient-ils constituer des circonstances propres à justifier l'indulgence
? L'accueil aurait-il été le même s'il s'agissait un amateur
ou d'un comédien débutant ? Certainement non. Alors pourquoi
ne pas être aussi exigeant pour un comédien professionnel ? Il
s'agit quand même d'un métier et en l'espèce d'une prestation
rémunérée m^me s'il est délicat, en matière
artistique, de dire que les spectateurs en veulent pour leur argent.
Charlotte Rampling n'a pas démontré aujourd'hui qu'elle avait
l'étoffe d'une comédienne de théatre. Il serait intéressant
d'avoir son sentiment sur cette première expérience pour savoir
si, comme prévu, elle réitèrera à l'automne dans
un cadre plus conventionnel. |