Spectacle circassien mis en scène de Stéphane Ricordel, exécuté par Alexandre Fournier et Matias Pilet.
Du funambule au trapéziste en passant par le contorsionniste et le jongleur tous pratiquent l'acrobatie, cet art circassien qui se décline de mille manières.
Formés à l’École Nationale du Cirque de Rosny-sous-Bois puis au CFA des arts du cirque, Alexandre Fournier et Matias Pilet ont choisi la discipline acrobatique la plus pure, celle du main à main dynamique pratiqué en duo, qui est à l'acrobatie ce que le pas de deux est à la danse, et dans une pratique, en l'occurrence orchestrée par Stéphane Ricordel, qui tend à l'épure en intégrant une inattendue dimension chorégraphique.
Pas de costume de scène à paillettes ni de roulements de tambour du cirque forain à papa "ce soir dans votre ville", ni de cirque-show à l'américaine. Tout repose sur le corps qui défie les lois de la physique et s'abstrait des contraintes de l'apesanteur dans la quête d'une autre dimension.
Avec pour titre, comme une profession de foi, le terme générique, "Acrobates" est né d'un deuil, celui du trapéziste Fabrice Champion devenu tétraplégique suite à un accident, qui avait partagé, avec les fondateurs Stéphane Ricordel et Laurence de Magalhaes, l'aventure de la célèbre Compagnie Les Arts Sauts dont le travail s'inscrivait dans une démarche artistique globale, mort au Pérou à l'issue d'une expérience chamanique en solitaire, avec lequel ils préparaient un spectacle expérimental prenant en compte le handicap physique.
Si les protagoniste refusent le qualificatif d'hommage, l'évocation est très présente. Voilà pour la genèse et l'âme du projet.
Sur scène, la première est signifiée avec quelques images d'un film réalisé par Olivier Meyrou consacré au parcours de vie de Fabrice Champion. La seconde est portée par la technique et la maîtrise des officiants qui ne sont jamais dans la démonstrativité mais dans le langage des corps, en l'espèce basé sur l'opposition et la complémentarité des contraires.
Alexandre Fournier, le grand blond, dont la stature lui permet d'assurer des portés d'une seule main, allie la force à la souplesse sereine pour exécuter les acrobaties individuelles synchronisées. Matias Pilet, le petit brun, est une boule d'énergie à la détente impressionnante. Dans le dernier tiers temps, leur duo à la dramaturgie puissante qui va crescendo clôt le spectacle en apothéose.
Captivant, le spectacle est donc époustouflant. Par son esthétique également avec un simple praticable à plan incliné, spectacle en noir et blanc scandé par des images d'hommes et de nature, une bande-son organique, un ballet de panneaux verticaux, et des lumières en clair-obscur qui déstructurent la réalité tangible du terrien.
Mais également par l'émotion, le ressenti, qui en émane et qui atteint le spectateur même le moins versé dans cette discipline. Quelque chose d'indicible, de l'ordre du sensible que transmet l'harmonie des corps en parfaite symbiose : comme une nouvelle aventure qui était vécue sous ses yeux, une histoire qui se ré-écrit. Une histoire de complicité, de confiance et d'amitié. Une belle histoire. Et un prodigieux travail réalisé avec une fluidité absolue et une apparente facilité.
A la fin du spectacle, ils irradient d'une joie partagée. Et, comment pourrait-il en être autrement, ils sont ovationnés. |