Affluence de bon aloi, quelques visages incontournables des salles de l'association Usines Ephemères (Hôpital Ephémère, La Caserne, Mains d'œuvres), des têtes connues (Syd Matters au hasard…) pour le Point Ephémère qui recevait ce soir là deux groupes canadiens, Frog Eyes et Destroyer et, en tête d'affiche, un groupe français, Don Nino.
En ouverture, à 23 heures 30 pétantes, Frog Eyes.
Groupe clavier, batterie et guitare et un guitariste assis, ostensiblement de dos, qui n'est autre que Daniel Béjar le leader de Destroyer qui les accompagne pendnat les premiers morceaux, mené par son leader Carey Mercer qui attaque bille en tête en scotchant le public qui en arrête de déglutir. Aucune chance pour l'auditeur de rester neutre et de continuer à siroter en papotant de-ci delà. On aime ou on n'aime pas mais pas de midtempo. Une musique impulsive, primale, condensée, très simple en structures mais très efficace balance entre chaos et harmonie.
Mercer vibrionne, alliant la virtuosité d'un vieux gratteux à l'expérimentation post punk, triture sa guitare en gestes affolés avec une vitesse d'exécution impressionnante et ponctue le tout d'une voix qui chante, crie, vocifère, manifeste, envoûte. Les morceaux semblent se créer au fur et à mesure, dans l'improvisation, dans une sorte d'urgence.
Au milieu du set, Mercer, ailleurs, demande combien de temps il lui reste. Le temps passe vite, trop vite. Trente minutes lui sont imparties. Très court. C'est passé comme un éclair, comme un riff de guitare, comme un anathème dans la nuit. Déjà la régie lance l'intermède musical. Pas de changement d'instruments. 21 heures 30, Daniel Bejar entre sur la scène accompagné du trio de Frog Eyes.
Talitres, un label qui a du flair, a permis à la France de découvrir Destroyer, groupe canadien créé par Daniel Béjar en 1995, avec l'album Streethawk : A seduction. Puis est venu le pop folk de This Night mélange parfait de lo-fi et de pop anglaise, suivi en 2004 par la pop baroque de Your blues, son 6ème opus.
Destroyer bénéficie d'une bonne presse de la part des critiques qui affectionnent les personnalités atypiques et il devenait urgent de l'entendre en live.
Destroyer, c'est Daniel Bejar, même s'il affirme que c'est un vrai groupe. Et Daniel Béjar, c'est un jean, un chandail au look improbable, une guitare et un visage christique, une simplicité qui confine au dénuement et une présence évidente.
Charismatique, singulier, il a cette grâce qui éclaire ses propos ("It was more like, here's a bunch of songs, and maybe you can use them to color the play somehow and see if somehow a Destroyer song would make sense with someone other than me singing it").
Et cette affirmation factuelle, qui ne relève aucunement de la présomption, trouve à se vérifier ce soir. Daniel Bejar porte ses textes comme des imprécations, comme des hymnes, comme des évidences avec l'accompagnement particulièrement heureux de Frog Eyes.
Tout les termes avances, sublimation, lyrisme, manièrisme, tout s'efface devant les mélodies à a fois travillées et évidentes, la voix brute. Même "Notorious lightening" garde toute sa magnificence.
Après tout le terme de baroque, au sens de l'inexistence des frontières convient bien à Destroyer :
aucune frontière entre le rêve et la réalité, la vie et la mort, le corps et l'esprit.
Peu de temps lui est imparti. Le public reste sidéré et manifestement sur sa faim. Le set a paru extrêmement court et il est clair que l'univers de Destroyer, dense et singulier, méritait de plus longs développements.
Mais là encore, rythme quasi militaire, timing contraignant et contraire à la notion même de spectacle vivant. Le public a tout juste le temps d'applaudir et les velléités éventuelles du groupe de faire un rappel sont drastiquement et impoliment écartées par l'envoi de la bande son.
22 heures 30, la tête d'affiche, Don Nino qui constitue une belle découverte pour ma part.
Nicolas Laureau, fondateur du label Prohibited Records, membre du groupe de musique contemporaine instrumentale nlf3, alias Don Nino arrive pour un concert de groupe avec sa bande composée d'un batteur, d'un bassiste, d'un pianiste et guitariste et d'un multi-instrumentiste (mélodica, flûte, clavier, banjo et autres petits instruments acoustiques).
Il faut préciser la composition de sa bande (Stéphane Garry de Pokett, Jean-Michel Pirès de Headphone, Benoit Rault de Ben's symphonic orchestra et Etienne Foyer de Dragibus) qui ne sont pas les premiers venus.
Accompagné de ces musiciens hors pair, précis, concentrés et attentifs, il nous délivre un set dense et éclectique basé sur un mélange d'influences qui enrichissent son héritage rock sans sombrer dans le métisage.
Jazz fusion, sonorités archaïques et traditionnelles, percussions organiques ou électroniques, c'est un déluge de mélodies claires et de boucles lancinantes qui atteste de la rigueur et de la richesse de la composition.
Dommage ...vous aviez 3 bonnes raisons de venir !
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