Farce
de Bertrand Blier avec Philippe Noiret, Michel Bouquet, Catherine
Hiegel et Farida Rahouadj
"A mon sens, les deux moments les plus importants d'une vie sont la
naissance et la mort. Le cul lui-même est un combat pour faire reculer
la mort". Ceux qui n'adhèrent pas à ce postulat de Bertrand
Blier, pour ne pas dire son credo, doivent passer leur chemin . Les autres
qu'ils se dépêchent d'aller voir cette farce sublime qui a indisposé
Cannes !
Le propos du film, Blier le résume ainsi ; "Ce sont deux hommes
qui courent après les femmes, avec la mort aux trousses". Tout
est dit et tout est à voir.
Blier a le sens de la réplique et surtout de celle qui imprime le
ton au film tout en étant sa marque de fabrique. Rappelez-vous du "J’ai
demandé un pot d’eau chaude" dit par un Jean Pierre Marielle
hiératique et colérique dans "Les acteurs" par exemple.
Ici, dans les côtelettes c’est Michel Bouquet l’œil
égrillard en bouton de bottine et démarche sautillante qui annonce
la couleur avec "Je viens pour vous faire chier!" lancé à
la tête incrédule d’un Philippe Noiret hébété.
S'en suit des vitupérations philosophico-politiques sur les attitudes
postdéfécatoires et en avant Simone, une dernière danse
avant le grand sommeil !
Car les deux compères décollent pour un dernier tour de piste
qui les entrainent à travers champs et engueulades pour calancher dans
une villa du Lubéron... car n'est-il pas plus facile de mourir au soleil?
Blier a opté pour une structure littéraire puisque les scènes
sont simultanément racontées et jouées par les personnages.
On ne sait plus où l’on se situe, dans la narration, dans la
réalité ou dans le fantasme délirant de ces deux vieils
hommes qui partagent subitement, chacun à leur manière, le même
désir trouble pour leur femme de ménage maghrébine, pleine
de vie même si sa vie n'est pas un conte de fées, alors que leurs
corps les lâchent et que les autres les abandonnent. Ils veulent encore
croire qu’ils peuvent éprouver des émotions, du plaisir,
qu’ils ne sont pas tout à fait vieux.
Bien sûr, le film est caustique, décapant, tragique dans le
rire, du vitriol qui vous est jeté en pleine figure mais également,
et sans que ce soit anachronique, jubilatoire et tendre. Tendre est en effet
la caméra qui s’attarde sur un Michel Bouquet exalté,
qui devient fou furieux d'une envie de vivre effrénée quand
il voit que la mort ne veut pas de lui dès lorsqu'il n'a rien à
lui donner, tant il est sec,petit et rabougri et sur un Philippe Noiret, bien
dans sa petite vie confortable en blazer et mocassins, dont les certitudes
basculent.
Et en arrière plan, la mort .La jeune faucheuse de Buffet froid, incarnée
par Carole Bouquet, a vieilli ; elle a les traits fatigués de Catherine
Hiegel et est devenue pragmatique : peu importe si elle se trompe de cible,
ils y passeront tous, tôt ou tard et puis si elle aussi elle peut prendre
un peu de bon temps ! |