Réalisé par Philippe de Chauveron. France. Comédie. 1h37.
(Sortie le 16 avril 2014). Avec Christian Clavier, Chantal Lauby, Ary Abittan, Medi Sadoun, Frédérique Bel, Élodie Fontan, Frédéric Chau, Noom Diawara et Julia Piaton.
Question cinéma, pas grand-chose à dire de ce plaisant téléfilm qui "fait le métier" et qui le fait, par rapport, à d'autres plaisants téléfilms, type "Intouchables", devenus comme lui des phénomènes de société, sans qu’on puisse lui trouver de quoi susciter des polémiques.
"Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu ?" est donc surtout devenu un sujet d'étude "sociologique".
On va ici essayer de comprendre comment et pourquoi "ça marche" là où d'autres films français, qui avaient, sur le papier, des sujets eux aussi capables d'intéresser le plus grand nombre, ont échoué.
Monsieur et Madame Verneuil, grands bourgeois catholiques, originaires de Chinon, ont quatre filles ravissantes qui vont tour à tour épouser un "Chinois", un "Juif", un "Arabe" et un "Noir"... De quoi faire déprimer Monsieur et Madame Verneuil et les confronter aux us et aux coutumes de tous ces "minoritaires".
Avec un pareil sujet, on est dans une longue tradition de comédie à la française, celle qui remonte à "Rabbi Jacob". Comme depuis De Funès et Gérard Oury, le café-théâtre est passé par là, on peut en dire plus sur les uns et les autres et s’amuser gentiment du "racisme".
Bien entendu, une des clés de la réussite de "Qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu ?" est de profiter de la "parole libérée" sur ce sujet qui fâche et de s’arrêter bien en deçà d’où s’arrêtaient les Élie et Dieudonné des temps de leur union et de leur splendeur.
Autre garde-fou : le langage. Dans le film de Philippe de Chauveron, on parle des minorités sans jamais employer les mots odieux rédhibitoires, ceux qui sortent vraiment de la bouche des racistes. Ainsi, quand surgit le mot "nègre", c’est dans une boulangerie pour évoquer qu’on n’y trouve plus de "têtes de nègres" mais des meringues au chocolat.
Comme souvent dans le cinéma français populaire, quand on y aborde une question épineuse, les scénaristes commencent par bien "déminer" le champ pour "désamorcer" tout ce qui pourrait être mal pris.
Si Christian Clavier n’aimait vraiment pas l’altérité, au lieu d’amuser le spectateur de ces mimiques douloureuses quand il doit assister, la kippa sur la tête, à la circoncision d’un de ses petits-fils, il boycotterait la cérémonie.
Des racistes comme lui, ceux qui vivent dans un couple mixte aimeraient en avoir comme père ou beau-père. Et puis des gendres aussi idéaux malgré leurs couleurs de peau ou la nature de leurs croyances, tous les Français moyens en rêveraient, surtout quand ils chantent à l’unisson la Marseillaise, la main sur le coeur...
Devant un tel unanimisme, le spectateur, même le plus proche des thèses les plus extrêmes, se surprend à se sentir soudain dépositaire d’idées généreuses. Il se regarde avec plaisir se refléter dans ce portrait flatteur d’une "Douce France".
"Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ?" de Philippe de Chauveron raconte une France idéale mais dit en sous-texte qu’il n’y a pas de problème d’assimilation dans les milieux privilégiés surtout quand les fils d’immigrés sont avocats ou banquiers.
À l’inverse, cet apparent pourfendeur de lieux communs racistes sous-entend que cela n’est pas possible dans les milieux populaires, totalement ostracisés dans un film où aucun "pauvre" n’a droit de cité. Avec l’acteur emblématique de l’ère Sarkozy, qui portera ici le boubou, la kippa et fera rire ses petites-filles chinoises en se badigeonnant le visage de petits-suisses, Philippe de Chauveron signe un film de "droite" où l’on prône le "Enrichissez-vous" avant que de songer à l’intégration.
Mais tout cela n’est pas très grave. Le public des comédies "à la française" sait depuis des décennies, sauf exception accidentelle au "pays des ch’tis", que le social n’y a pas droit de cité. Cela ne l’empêche de s’amuser ni de passer un bon moment dans ce monde déréalisé.
"Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ?" de Philippe de Chauveron ne faillit pas à la tradition. Il faut aller le voir au moins une fois au cinéma avant de le regarder à la télé lors de ses trente prochaines diffusions dans les trente années à venir. |