Le Musée de Montmartre, originellement installé dans la Maison du Bel Air, s'est agrandi en annexant l'Hôtel Demarne dont l'ouverture au public après rénovation est inaugurée avec l'exposition "L'esprit de Montmartre et l'art moderne".

Scénographiée par Frédéric Beauclair, qui a exploité au mieux les petites pièces de cet ancien immeuble de rapport, l'exposition est conçue sous le commissariat de Phillip Dennis Cate, conseiller scientifique du Musée de Montmartre et spécialiste de l’art français du 19ème siècle.

Sa finalité est de monter l'effervescence qui a animé Montmartre de 1875 à 1910 faisant de ce quartier populaire un lieu de divertissement fort prisé de la Belle Epoque et le coeur d'une avant-garde artistique potache et libertaire.

Montmartre : Paris bohème et Paris canaille

Se déroulant sur deux niveaux, la monstration est structurée en sections ordonnées autour de trois thématiques : les lieux, devenus mythiques, les mouvements artistiques et les figures emblématiques de Montmartre.

Consacré lieu des plaisirs, Montmartre voit se côtoyer les artistes, avant qu'ils ne migrent pour de simples raisons économiques vers le quartier de Montparnasse qui deviendra le creuset de la modernité, les voyous et les fleurs de bitume, le public plébéien comme le beau monde venu s'encanailler dans les nombreux cabarets qui proposent des divertissements variés.

Au rang desquels le premier en date, le "Chat noir" ouvert par Rodolphe Salis, et autour duquel le Musée avait consacré une exposition thématique ("Autour du Chat Noir - Arts et Plaisirs à Montmartre 1880-­1910"), avec son attraction ancêtre du cinématoscope que fut le théâtre d'ombres créé par Henri Rivière.

Suivront parmi les plus connus, le "Lapin agile" dont la célèbre enseigne, comme le nom (lcontraction de "lapin à Gil") est due au peinte André Gill, "Le Bon Bock" et le "Cabaret des Quat'z'Arts".

Ils proposent tant des spectacles éclectiques, numéros de cirque et magie que des revues de music-hall, officient comme cafés-concert et accueillent non seulement les chansonniers mais les jeunes artistes, peintres, illustrateurs, musiciens et écrivains qui y font leurs premières armes.

Ils constituent également le lieu de rendez-vous des membres de mouvements artistiques caractérisés par un esprit frondeur et irrévérencieux et des noms potaches.

Car comme il est placé sous le signe de la liberté des moeurs, Montmartre le sera sous le signe de la liberté des esprits.

Chantre du rire et de l'humour, les Fumistes, les Zutistes, et les Hydropathes laissent libre cours à leur fantaisie.

Ainsi, ils, augurent de l'âge d'or de la caricature débridée par la loi sur la liberté de la presse et s'en donnent à coeur joie dans les pléthoriques journaux et revues satiriques et homristiques qui ont pour nom "L'Assiette au beurre", "La Lune" et "Le Rire".

Ils officient de même dans la parodie de l'art académique et des tendances contemporaines. et animent le quartier avec des événements telles la "Vachalcade", promenade de la vache enragée caricaturant celle du Boeuf gras du Carnaval de Paris et les expositions des Arts Incohérents, mouvement initié par l'écrivain Jules Lévy, qui brocardent les salons officiels.

Avec l'extraordinaire inventivité de ceux qui ne se prennent pas au sérieux et se moquent de tout, les joyeux huluberlus créent des oeuvres qualifiées de farfelues, telles les monochroïdes de Alphonse Allais et la "Mona Lisa fumant la pipe" de Eugène Bataille.

Et ils s'avèrent les précurseurs tant de l'art moderne, le Dadaïsme et le Surréalisme, que de l'art contemporain, dont le Nouveau Réalisme et l'art conceptuel.

L'exposition consacre des salles aux peintres établis dans le quartier comme Suzanne Utrillo et Fernand Pelez, et aux affichistes dont les figures célébrissimes de Théophile Alexandre Steinlen, le peintre des chats, et Toulouse-Lautrec et d'autres moins connues du grand public comme Henri Gustave Jossot ('"Salon des Cent", "Le bouchon récalcitrant", l'affiche Saupiquet).

Les petites femmes de Pigalle saisies par Degas ou croquées par Louis Bertrand ne sont pas oubliées. Et le visiteur attentif pourra découvrir celle de Picasso destinée à la revue "Frou Frou".

Avant d'accéder au deuxième niveau, il est proposé une incursion dans l'atelier-appartement dans lequel vécut la peintre Suzanne Valladon avec son fils Maurice Utrillo.

Le lieu a fait l'objet d'une remarquable reconstitution réalisée d'après les documents d'archives par le scénographe Hubert Le Gall.

A l'issue de la visite, les jardins du musée permettent une halte arborée et son Café Renoir incite à la pause gourmande.