Création du Collectif Les Possédés d'après l'oeuvre éponyme de Anton Tchekhov dirigée par Rodolphe Dana, avec Yves Arnault, Julien Chavrial, David Clavel, Rodolphe Dana, Emmanuelle Devos, Françoise Gazio, Katja Hunsinger, Antoine Kahan, Émilie Lafarge, Nadir Legrand, Christophe Paou et Marie-Hélène Roig.
Première pièce d'Anton Tchekhov, écrite avant l'âge de vingt ans et jamais jouée de son vivant, "Platonov" est un peu le brouillon de son œuvre. On y retrouve en effet des thèmes chers à Tchekhov, et notamment celui d’un monde qui va s’effondrer.
Platonov, "le mini- Platon" est un être supérieur, à la fois intelligent et séducteur, mais qui, en bon Russe, a l’âme si noire qu’elle le pousse à s’autodétruire, à ne jamais rien faire d’autre que de s’enfoncer dans une culture de mort et à y entraîner tous ceux qui l’entourent.
Dans son premier acte, Tchekhov décrit l’univers compliqué dans lequel gravite Platonov. Il s’agit, comme souvent dans cette pièce de facture encore malhabile, d’une longue exposition des enjeux qui mobilisent chacun des personnages, et notamment de leur rapport respectif à Platonov.
Dans la version qu’il propose, Rodolphe Dana ne cherche pas à casser ce début laborieux. Dans un décor unique, plutôt terne qu’inspiré, il s’attache à décrire les relations entre la douzaine de personnages qui forment l’entourage de Platonov.
L’objectif est atteint. Comme Benjamin Porée, qui avait monté "Platonov" aux Ateliers Berthier il y a quelques mois, Rodolphe Dana a choisi la traduction de la pièce de Tchekhov d’André Markowicz et Françoise Morvan.
Mais, une fois ce long moment d’exposition passé, on n’a plus l’impression d’entendre le même texte. A la rigueur un peu guindée du travail de Benjamin Porée, Rodolphe Dana substitue un "Platonov" plus déjanté, "farcesque" et foutraque. Dans le rôle de la Générale, Emmanuelle Devos fait alors preuve de toute la fantaisie qu’on lui connaît.
Cela au prix de coupes dans les dialogues, qui font plus "mots d’auteur" que répliques de Tchekhov. Si l’adaptation du texte par Rodolphe Dana et Katja Hunsiger amuse franchement, par moments, c’est hélas aux dépens de la cohérence de l’œuvre et ce "fou de Platonov" n’a pas le relief attendu.
Plus lâche que brillant, plus bête de sexe que séducteur, il est interprété par Rodolphe Dana plus en ahuri qu’en sujet habité par un terrible désespoir métaphysique. Dès lors, "Platonov" se termine par la relation scrupuleuse d’un fait-divers à l’issue inévitable.
Dans la version de Benjamin Porée, on avait trouvé que Joseph Fourez était un Platonov trop fragile. Celui qu’a imaginé Rodolphe Dana pourrait paraître plus consistant, mais il a l’inconvénient de ne jamais susciter d’émotion comme parvenait à le faire Joseph Fourez.
Dommage car le Collectif Les possédés qui est derrière le projet dirigé par Rodolphe Dana rassemble sur scène une douzaine d’acteurs tous excellents. |