Comédie de Carole Thibaut, mise en scène de Claudine Van Beneden, avec Angeline Bouille, Barbara Galtier, Chantal Peninon, Claudine Van Beneden et Simon Chomel.
Pour son opus théâtral relatif au combat des ouvrières de l'entreprise de lingerie haut de gamme de la marque Lejaby face à la fermeture de leur atelier qui fit la une de l'actualité en 2010, Carole Thibaut a choisi pour un titre l'expression courante "A plates coutures !", évocatrice tant du travail des couturières pour éliminer toute source de gêne pour le port du vêtement, que, surligné par le point d'exclamation, de la lutte entreprise pour la sauvegarde non seulement de leur emploi mais de leur dignité face à des patrons-voyou.
Avec pour matériau de base les témoignages recueillis sur place et à chaud sur l'unité de production de Yssingeaux par la comédienne Claudine Van Beneden présente sur place dans le cadre d'une résidence d'artiste, Carole Thibaut, qui travaille souvent des paroles de femmes, a écrit une partition qui ne ressort pas au théâtre documentaire dramatique qui sombre souvent dans le dictatisme ou le militantisme primaire.
En effet, elle s'inscrit résolument dans le registre du théâtre politique sous forme d'une comédie, composée de scènes dialoguées, récits, soliloques et chansons, qui s'abstient de tout naturalisme mélodramatique ou compassionnel pour privilégier l'énergie vitale qui nourrit et fait avancer ces petites filles des cousettes et des midinettes qui, un siècle plus tard, triment sous la férule d'un contremaître-père fouettard et du discours directorial culpabilisateur.
Et, comme toujours avec Carole Thibaut, cette partition revêt la forme d'une millefeuilles.
Certes, elle aborde le combat social et cette mobilisation exclusivement féminine mais sous le prisme de la sororité qui décline une aventure fédératrice réunissant des femmes qui se sont découvertes, révélées et émancipées en prenant en main leur propre histoire.
Elle raconte également, par recours au biodrame, quatre vies de femmes avec leurs joies et leur galères, dont le caractère et le trajet ne sont réductibles à un portrait-type de femme prolétaire, qui, comme toutes les petites filles, ont été nourries aux contes de fées dont elles ne seront jamais l'héroïne, thématique que Carole Thibaut a abordé dans "Les petites empêchées - Histoires de princesses", en l'espèce, reprise dans en préambule.
Enfin, son théâtre est aussi celui de l'engagement féministe, et comme pour ses "Fantaisies" performatives sous-titrées "L'idéal féminin n'est plus ce qu'il était", elle dynamite les codes et diktats de la féminité, en l'occurrence quand les femmes se la jouent "glam et sensuel" à l'image des mannequins.
Dans un décor impersonnel d'atelier de confection réalisé par Sophie Toussaint, avec la mise en scène efficace et inspirée de Claudine Van Beneden et scandé par des détournements de tubes de variétés chantés en choeur chorégraphié, le spectacle, aussi roboratif qu'intelligent, est dispensé par un un épatant quintet.
Barbara Galtier (Solène, la réservée qu'une grossesse accidentelle a privé de faire des études), Angeline Bouille (Géraldine la délurée au coeur d'artichaut, un enfant par "mari" qui prend illico la poudre d'escampette), Claudine Van Beneden (la mère de famille qui secoue le joug "patron-mari-enfants"), Chantal Peninon (Josie, la déléguée du personnel, fille de taiseux qui ne veut pas retourner à la ferme) et Simon Chomel, qui outre l'accompagnement musical, joue les vilains rôles masculins, dont un désopilant émissaire gouvernemental, trublion caricatural plus vrai que nature, emportent fort légitimement l'adhésion pleine et entière du public.
A voir absolument. |