Florilège de lectures conçu par Lucienne Peiry, mise en scène de Alain Fromager, avec Anne Suarez, Lucienne Peiry et Alain Fromager.

L'art brut n'a désormais plus beaucoup de secrets pour les amateurs d'art. Chacun sait que le terme et ce qu'il recouvre est l'oeuvre du peintre Jean Dubuffet, qui, le premier, s'est intéressé à ses peintres "différents" qui n'ont pas étudié la peinture dans des académies ou des écoles, et qui, autodidactes paysans ou internés ont décidé de peindre à leur façon, selon leurs règles ou leurs absences de règles, et avec toutes sortes de matériaux.

Comme en France, les musées sont souvent frileux devant la nouveauté ou ce qui leur semble bizarre, c'est à Lausanne que l'on peut voir la collection réunie par Jean Dubuffet, dans un musée née à cet effet dans les années 1970.

Mais les "peintres" rassemblés sous le vocable de l'art brut ne se contentent pas, la plupart du temps, de peindre, sculpter, dessiner ou coller, ils écrivent aussi. Certains inventent même des langues ou sont atteints de glossolalie et sont parlés par des langues imaginaires.

Ce sont des extraits de ces textes griffonnés sur des prospectus ou des imprimés administratifs qu'on a pu entendre au Centre Culturel Suisse le 12 septembre 2017.

C'est Lucienne Peiry, grande historienne de l'art brut, et par ailleurs commissaire de l'exposition "Inextricabilia Enchevêtrement magiques" présentée à la Maison Rouge jusqu'au 17 septembre 2017, qui a conçu ce moment singulier mis en scène par Alain Fromager, qui en sa compagnie et celle d'Anne Suarez, a lu des textes qui ne portent pas la marque de la "folie" de leurs auteurs, mais leur rage ou leur besoin de s'exprimer pour que leur différence trouve à s'exprimer. Qu'il s'agisse d'Aloïse (Corbaz) ou d' Adolf Wölfli, les "stars" de l'art Brut, on ignorait qu'ils écrivaient également.

Avant de lire les textes, on découvre sur un support vidéo une œuvre emblématique de chacun des artistes, avec un commentaire éclairé de Lucienne Peiry.

Cette heure dans un monde parallèle où l'on peut élaborer, comme Constance Schwartzlin-Berberat des recettes de cuisine extravagantes, est un moment formidable. On ne se moque jamais de ces artistes aux idées loufoques voire - on n'hésitera pas à le dire - totalement branques. De ces textes qui valent souvent bien mieux que ceux issus de l'écriture automatique des surréalistes, on tirera une leçon de tolérance, une envie d'en savoir plus.

On soulignera la qualité des textes choisis, la subtilité de leur mise en correspondance les uns avec les autres et bien sûr la manière gourmande qu'ont eu les trois protagonistes de les lire.

Bref, cette soirée n'était pas une conférence savante sur les "Ecrits d'art brut", mais une initiation qui permettra à ceux qui étaient présents de s'y engager eux-mêmes sans a priori et avec une belle envie de découvrir cette autre monde, si proche et si lointain, de celui qui se dit normal.