Au départ, il y a ce titre, un terme dont j’étais incapable de donner la moindre définition. Renseignement pris, l’apeirogon est une figure géométrique au nombre infini de côtés. Ensuite, il y a l’objet, ce livre a la couverture superbe (il faut avoir le livre entre les mains et pouvoir la toucher pour s’en rendre compte) et l’auteur, un certain Colum McCann, auteur de recueils de nouvelles et de romans aussi brillants les uns que les autres. Il est connu notamment pour le livre Et que le vaste monde poursuive sa course folle qui lui a permis d’obtenir la National Book Award.
Colum McCann est donc de retour pour cette rentrée littéraire avec un ouvrage au nom surprenant Apeirogon, édité chez Belfond. L’histoire que nous raconte l’ouvrage est celle de deux pères, l’un est palestinien et l’autre israélien. Tous deux sont des victimes du conflit qui existe entre Israël et la Palestine depuis bien longtemps. Tous deux tentent de survivre après la mort de leurs filles, Abir Aramin et Smadar Elhanan. Ils ont vécu un véritable choc, connaissent le chagrin, ont plein de souvenirs d’elles et doivent faire leur deuil. Ils ont aussi l’envie de sauver des vies. Ensemble, ils vont créer l’association "Combattants for peace" et parcourir le globe en racontant leur histoire pour susciter le dialogue.
Alors pourquoi ce titre, qui définit une figure géométrique avec un infini de côtés ? Tout simplement car l’ouvrage décrit les multiples facettes du conflit : historique bien sûr, mais aussi politique, philosophique, religieux, musical, cinématographie et géographique. Il nous propose une tragédie infinie qui happe le lecteur, l’absorbe, lui donne une responsabilité et l’engage à comprendre, à échanger, pour entrevoir un nouveau futur mais aussi une tentative d’apaisement.
Il y a beaucoup d’humanisme dans cet ouvrage centré sur ces deux pères qui vont s’unir et mettre de côté une éventuelle volonté de vengeance à laquelle on aurait pu s’attendre après avoir connu la mort de son enfant. Il y aussi une construction particulièrement originale pour cet ouvrage qui représente véritablement de multiples facettes (comme l’apeirogon). L’ouvrage n’est pas constitué de chapitres mais de facettes qui portent un numéro correspondant à des périodes de l’histoire différentes ou à des points de vue des personnages. Toutes ces facettes évidemment se relient entre elles pour nous raconter l’histoire de ces deux pères touchés par le deuil.
De cet ouvrage très atypique dans sa construction se dégagent de nombreuses émotions, un peu sous la forme de montagnes russes, de la violence à l’amour, de la haine à l’empathie, l’histoire que nous dévoile ces deux hommes est une histoire triste et compliquée, tragique aussi. Le contexte de la mort tragique des deux jeunes filles est parfaitement raconté au fil des micro chapitres numérotés, comme des pièces de puzzle qui reconstituent une histoire, celle d’un conflit qui dure depuis bien longtemps.
Alors oui, le Moyen-Orient, foyer de ce conflit, est un territoire bien complexe que l’ouvrage tente d’aborder avec beaucoup d’ambitions. Cela est parfaitement réussi, le pari de la construction originale était risqué mais il s’avère particulièrement pertinent et brillant au fil de la lecture.
Le dernier ouvrage de Collum McCann est bluffant, impressionnant de réalisme et de conception. Il nous montre toutes les facettes du conflit israélo-arabe, insiste aussi sur son absurdité tout en voulant nous donner un message d’humanité, une humanité fièrement représentée le message de ces deux hommes qui ont perdu chacun un enfant. |